Pierre Menès sans détour sur le foot africain

L'équipe de la rédaction d'Africa Top Sports




Ancien grand reporter au quotidien sportif français L’Équipe, Pierre Menès fait souvent tache dans le paysage audiovisuel français avec ses avis tranchés. A quelques jours du crucial Sénégal – Côte d’Ivoire, il pèse les forces et faiblesses des deux équipes. L’actuel journaliste de Canal+ jette, également, un regard sans concession sur le Football africain et la question des binationaux dans une interview  accordée au site le soleil.

 

Quel est votre pronostic pour la rencontre entre le Sénégal et la Côte d’Ivoire décisive pour la qualification à la Can 2013 ?
D’abord, je trouve que c’est dommage que des équipes du niveau du Sénégal et de la Côte d’Ivoire se rencontrent en éliminatoire directe. Au-delà de ce premier constat, j’ai l’impression que le Sénégal a renouvelé une équipe qui était vieillissante. L’équipe actuelle peut souffrir d’un manque d’expérience. L’absence de joueur comme Souleymane Diawara est préjudiciable à la fois sur le terrain que sur la vie et l’enthousiasme du groupe. Le principal atout de la Côte d’Ivoire donc, principal danger pour le Sénégal, c’est sa ligne avant. La Côte d’Ivoire peut s’appuyer sur une grosse équipe, notamment sur le plan offensif. Cette rencontre va permettre à Didier Drogba de faire un vrai match de foot. A mon avis, il gagne beaucoup d’argent à Shanghai mais je ne suis pas certain qu’au niveau football, il s’amuse beaucoup. Il faut noter que c’est une année un peu compliquée pour tout le monde, car il y a deux Can qui se suivent. Mais en étant neutre, je regrette que des équipes de ce niveau se rencontrent pour la qualification directe d’une compétition comme la Can.

Quel regard avez-vous sur la gestion et la compétitivité des équipes africaines ?
Il y a une grosse exigence pour les équipes d’Afrique noire francophone en général. Chaque défaite est ressentie comme une humiliation et cause souvent un manque de continuité et parfois même une instabilité. Cela n’a pas l’air facile au Sénégal et cela l’est encore un peu moins au Cameroun. C’est dommage parce que je ne vois rien qui empêche le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Cameroun d’être supérieur à des équipes comme le Danemark ou l’Uruguay. Il y a un manque de structures. Cela fait rire les blancs qui disent « c’est l’Afrique, il y a un petit côté folklo ». Avec de la rigueur, des structures, tout en gardant les qualités du football africain qui sont évidemment le côté puissant, athlétique mais aussi la créativité et la fantaisie. A mon avis, quand on a tous cela réuni, on n’est pas loin d’avoir la plus grande équipe du monde. Une équipe comme le Ghana, par exemple, n’a pas plus d’individualités que le Sénégal ou le Cameroun mais elle a des résultats un peu plus constants dans les phases finales. Il y a plus de stabilité et de rigueur peut-être. C’est dommage qu’il y ait toujours des conflits internes. Quand on a des joueurs comme Samuel Eto’o ou Didier Drogba, il vaut mieux les mettre dans de bonnes conditions que de les emmerder en permanence.

Cette subtilité technique des joueurs africains dont vous venez de parler n’est-elle pas en train de disparaître avec le nombre de plus en plus croissant des joueurs binationaux provenant du moule des centres de formation européens ?
Franchement, si les joueurs africains peuvent bénéficier des centres de formation à la française, cela va leur apporter une rigueur tactique qui n’est pas forcément leur point fort s’ils apprenaient leur métier en Afrique. Aujourd’hui, les joueurs binationaux, formés en France et barrés en équipe de France, peuvent aller jouer dans leur pays d’origine ou celui de leurs parents. C’est la principale différence. C’est ce que regrettent Laurent Blanc et certains formateurs. Des joueurs comme Belhanda, Moussa Sow ou Cheikh Mbengue ont été champions du monde junior avec la France avant d’aller jouer avec leur pays d’origine. Moussa Sow quand il était meilleur buteur du championnat de France avec Lille, il aurait certainement eu sa chance en équipe de France. Ne parlons même pas de Didier Drogba qui a choisi de jouer avec la Côte d’Ivoire pensant alors être barré par Henry et Trézéguet alors qu’il aurait joué sur la durée. Mais tout cela n’est pas bien grave du moment que ces grands joueurs nous font profiter de leurs talents pendant les grands matches, comme ce sera certainement l’occasion lors de ce Sénégal – Côte d’Ivoire.{jcomments on}


 


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