Mondial 2014 : Le Brésil en passe d’échouer là où l’Afrique du Sud avait réussi ?

L'équipe de la rédaction d'Africa Top Sports




Nous sommes à six mois du Mondial de football, et l’appareil sécuritaire brésilien est préoccupé par le spectre d’une nouvelle flambée de manifestations violentes et de récents signaux alarmants en provenance des favelas « pacifiées » de Rio de Janeiro. Une bombe à retardement qui risque d’exploser en pleine Coupe du monde ? Et dire que juste après la fête du foot, les élections ! Contrairement à l’Afrique du Sud ?

 Coupe-du-Monde-2014« Des manifestations, il y en aura« , disait récemment un membre du gouvernement brésilien. Le mot est lâché ! Garantir la sécurité des équipes et de millions de supporteurs brésiliens et étrangers : l’enjeu sécuritaire est de taille pour ce pays de 200 millions d’habitants. Face à cette vague d’humeurs sociales qui peut se déferler à tout moment, les autorités de Rio semblent impuissantes, du moins elles ne peuvent les empêcher d’avoir lieu. « Manifestez pour les causes qui vous semblent justes (…). Mais traitez bien les visiteurs« , a récemment exhorté Ricardo Trade, directeur général du Comité organisateur local.

Brésil : un pays traditionnellement violent

Même s’il est habitué à organiser sans heurts des événements de masse comme le carnaval ou la visite du Pape François et ses deux millions de pèlerins sur la plage de Copacabana en juillet, le est et  demeure un des pays les plus violents au monde, avec un taux d’homicides de 27 pour 100.000 habitants. Les principales menaces sont : « supporteurs violents, crime organisé, menace terroriste », ainsi que l’a révélé un plan stratégique lancé en août 2012.  Mais ce plan n’avait pas envisagé la fronde sociale historique qui a ébranlé le pays en juin, en pleine Coupe des Confédérations, avec ses scènes de guérilla urbaine. Des centaines de milliers de Brésiliens étaient descendus dans les rues pour exiger des services publics dignes, fustiger la corruption et la facture publique colossale du Mondial.

 « C’est la question à un million de dollars« , résume un cadre de TV Globo, dont les journalistes ont été violemment pris à partie par des manifestants radicaux. Plus haut, nous citions un responsable gouvernemental qui disait que les manifestations, il y en aura. Reste à en connaître l’ampleur.  En tout cas, en juin, des protestataires anarchistes avaient provoqué des scènes de guérilla urbaine débridées jusqu’en octobre à Rio de Janeiro et São Paulo. Ils ont depuis mis la sourdine mais promettent de revenir en force pendant le Mondial.

Le « Mondial de la terreur »

 Autre sujet d’inquiétude, le climat se dégrade dans certaines favelas de Rio, reprises progressivement depuis 2008 par la police aux mains des trafiquants de drogue. Le taux

manifestations-sans-precedent-eu-lieu d’homicides a baissé de 40% après la « pacification ». Mais les policiers déployés dans ces quartiers pauvres, parfois violents et corrompus, n’emportent pas l’adhésion des habitants. Et depuis la fin de l’été, certains clignotants sont passés à l’orange: multiplication des vols à la tire, échanges de tirs et signalement de trafiquants lourdement armés dans certaines favélas « pacifiées ». Sans oublier une récente série d’attaques de baigneurs sur les plages touristiques de Rio par des groupes d’enfants encadrés par des adultes.

Récemment, un chef du trafic incarcéré à Rio a confessé en détail à la police les plans du « Comando Vermelho », la principale organisation criminelle carioca, pour tenter de reprendre le contrôle des favelas. Et le Premier commando de la capitale, la grande organisation criminelle de Sao Paulo, agite la menace d’un « Mondial de la terreur ».

Face à cela, les autorités, la présidente Dilma Rousseff en premier,  annoncent un doublement des effectifs des forces de sécurité pendant la Coupe du monde par rapport à la Coupe des Confédérations, qui avait mobilisé 55.000 hommes. Certaines unités ont été entraînées par des agents du FBI pour répondre à des menaces extérieures. Car même si « le Brésil n’est pas un pays visé par le terrorisme« , comme le rappelle Michel Misse, expert en violence de l’Université fédérale de Rio, la projection mondiale de l’événement et l’attentat du marathon de Boston incitent forcément à la vigilance.

Pour le journaliste Carlos Eduardo Eboli, responsable d’un programme sportif à la radio CBN, il faut s’attendre à un « climat très lourd pendant le Mondial, avec de très grandes manifestations attisées par le contexte électoral« . Oui, en octobre 2014 soit trois mois après le Mondial, les Brésiliens se rendront aux urnes pour élire un nouveau président, un nouveau parlement et renouveler le gouvernorat. Avec tous les risques possibles d’instrumentalisation. Impossible de prédire les couleurs de la période préélectorale.

Des stades toujours en chantier

Workers stand near a crane that collapsed on the site of the Arena Sao Paulo stadium, known as "Itaquerao", which will host the opening soccer match of the 2014 World Cup, in Sao PauloEn 2007, le Brésil avait salué dans la liesse l’attribution du Mondial. Les rapports avec la Fifa semblaient promis à un avenir radieux. Pour les amoureux du foot du Monde entier, impossible de rêver Mondial plus magique qu’au royaume de Pelé et du football-samba. Pour le Brésil en pleine euphorie des années Lula, ce serait la consécration de sa nouvelle puissance émergente.

Mais c’était sans compter avec la lenteur dans le déroulement des travaux de construction des stades. Même si la Fifa, qui donne jusqu’au 31 décembre au Brésil pour la réception des stades, peut et doit être tolérante sur le cas du stade « Itaquerao » de Sao Paulo, qui accueillera le match d’ouverture du Mondial, il y a fort à parier celui de Cuiaba risque de provoquer des frictions entre Sepp Blatter et le Comité d’organisation du Mondial brésilien, parce que toujours en chantier.

Pari réussi pour l’Afrique du Sud en 2010

Organiser une Coupe du monde en Afrique était une grande première. Mais aussi un défi contre les idées reçues. Au final, tout le monde avait applaudi. C’était globalement Vuvuzela
une réussite, tant pour les organisateurs que pour les 300.000 visiteurs attendus. Même si tout n’avait pas été parfait.

Jouant sur des peurs compréhensibles et un danger réel mais surévalué, des dizaines de sociétés de sécurité privées avaient pris place et ouvert des bureaux sud-africains le temps du Mondial. Avant de repartir vers des marchés plus porteurs sur le long terme, comme Haïti et l’Afghanistan.

L’organisation n’avait pas connu de couac important. Ça avait bouchonné, sur les routes de Johannesburg ou dans les aéroports de Polokwane et Durban. Mais la gentillesse des Sud-Africains avait souvent compensé. Au pays des cinquante homicides par jour, la sécurité était le premier souci. Résultat: à part plusieurs incidents isolés, vols et séquestrations, il n’y avait pas eu de drame. Une satisfaction pour le pays, qui craignait le retour sur image.

Le Brésil, grande nation de football, réussira-t-il, avec sa samba et sa plage de Copacabana, à offrir un Mondial digne de ce nom, pour faire oublier les Vuvuzelas sud-africains qui avaient rythmé la grand’messe de 2010 au pays de Nelson Mandela? La lutte contre le crime organisé, la menace terroriste, les supporters violents, des formules pour contenir l’effervescence sociale, constitue le prix à payer. Et bien sûr l’accélération des stades encore à l’étape des promesses.


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