Dossier : Le rugby camerounais à l’agonie

L'équipe de la rédaction d'Africa Top Sports




Le Cameroun ne peut plus prendre part aux épreuves internationales de rugby. Suspendue à la fois par la CAR (Confédération africaine de rugby) et l’IRB (International rugby board), sa fédération ne peut organiser des compétitions au plan local. Les passionnés du ballon ovale se tournent les pouces. Le rêve d’une nation de rugby émergente se brise.

Cameroon-RugbyLe rugby de compétition est mort au Cameroun. La Fédération internationale vient de lui asséner le coup de grâce. L’International rugby board (Irb) a décidé lors de son conseil exécutif du 10 octobre 2013 à Vancouver au Canada, de suspendre –en même temps que la Mauritanie- le pays de Roger Milla de son statut de membre. L’ancien protectorat allemand est ainsi sanctionné pour « manque d’activités et non respect de critères basiques de membres ». C’est un autre coup de massue qu’a reçu ce 10 octobre-là la Fédération camerounaise de rugby (Fecarugby). Car quelques semaines plus tôt, le 20 septembre 2013, c’est la Confédération africaine de rugby (Car) qui la frappait. L’instance faîtière du rugby africain suspendait la Fecarugby pour une  durée indéterminée. Le secrétaire général Mervin Green reprochait alors à cette fédération plusieurs choses.

Les rugbymen au chômage

La moindre n’est pas le fait de n’avoir pas présenté de demande de subvention à l’International rugby board « alors qu’en tant que membre de l’Irb, elle y est engagée conformément aux statuts de l’Irb ». L’autre grief est celui de n’avoir pas payé la dette (environ 57 millions de francs Cfa) générée par la non participation des sélections camerounaises à trois tournois organisés par la Car. Concrètement, la Confédération africaine de rugby n’a pas digéré l’absence des Camerounais aux tournois de rugby à 7 de Marrakech en 2011, AC1C 2012 Botswana et au 7 féminin 2012 Rabat. Elle a aussi été gênée par le flou dans l’élection à la tête de la Fédération camerounaise. Elle voulait voir le ministère en charge des sports « officiellement se prononcer  et habiliter ou non les résultats des dernières élections du bureau de la fédération camerounaise ».Rugby2

Face à un président de la Fécarugby (Me Patrice Monthé) qui n’a cessé de crier au complot contre sa personne, la Car n’a eu d’autre choix que de mettre à exécution la menace consistant à faire retirer au Cameroun son statut de membre de l’International rugby board. Le désarroi des rugbymen et autres passionnés de la balle ovale vivant au Cameroun est d’autant plus grand qu’ils n’ont plus l’occasion de disputer des compétitions régulières depuis deux saisons. Les joueurs de rugby sont le plus  à plaindre. Cette année, ils n’ont pas beaucoup joué depuis deux ans. Pas le moindre match officiel en 2013. La faute à un contexte fait de conflit postélectoral et de disette financière.

 Comme un parfum de scandale

L’ancien bâtonnier du Barreau du Cameroun n’a pas été installé dans ses fonctions.  La réélection de Patrice Monthé a été invalidée par le ministère des sports et de l’éducation physique (Minsep) pour « fautes de gestion ». La division des affaires juridiques du Minsep lui a demandé de justifier l’emploi  des  80 millions de Francs Cfa que le gouvernement a mis à la disposition de la Fécarugby en 2011 pour  l’organisation du tournoi qualificatif au championnat d’Afrique des nations. Des histoires d’argent, de malversations expliquent aussi la somnolence des compétitions dès le deuxième semestre de 2011. Il faut attendre les tout derniers mois de l’année pour clôturer la saison pourtant entamée tambour battant. Nous sommes  est juste après  le tournoi de la Car. Le Cameroun est éliminé. La relation entre la Fédération et les sponsors se dégrade. Ceux-ci lâchent la Fecarugby.  Son principal mécène,  l’entrepreneur  Français Jean Rémy Martin, un passionné de rugby qui a déjà passé  une trentaine d’années au Cameroun suspend ses contributions. Il dit qu’il ne fera que l’essentiel, mais l’on sait ce que cela veut dire.   « A partir de ce jour, mon rôle dans le rugby se limitera au
sponsoring dans la limite de nos moyens, je resterai un fervent supporter de notre équipe nationale que je ne manquerai pas de suivre à l’occasion des prochains matchs .Nous avons vécu une belle aventure. Le rugby Camerounais a tout ce qu’il faut pour continuer à progresser », annonce-t-il le 30 novembre 2011. Un de ses proches affirmera plus tard qu’il était lui aussi « fâché » avec les dirigeants de la Fédé. La saison 2011-2012 va aussi tarder à démarrer. On ne débute qu’en février une compétition dont le kick-off a généralement lieu en décembre. Les compétitions dames, messieurs et jeunes se jouent  de février avant de s’arrêter en mai. Ce seront les dernières épreuves officielles organisées  au Cameroun.

Rugby3Le gâchis

Alors qu’en novembre, l’on lui  demande pourquoi les choses tardent à redémarrer, le secrétaire général François Tontsa répond : « les caisses sont vides ». Non sans indiquer que la fédération met en place sa propre stratégie de financement. Mais il n’y aura plus ni suite du championnat ni matches de Coupe. Et cela dure depuis. Au grand dam de la prometteuse formation du Bataillon d’intervention rapide, le Bir rugby club. Comme les autres clubs de rugby, il doit se contenter  d’entraînements et de matches amicaux.

Pourtant, l’arrivée de l’exécutif conduit par Me Monthé avait suscité de grands espoirs. Il avait  un ambitieux plan de développement du rugby au Cameroun, le soutien des partenaires et d’un mécène motivés. Motivés au point de construire un stade de rugby, le premier du Cameroun, à la sortie sud de la capitale économique, Douala. Le petit monde du rugby se tenait prêt à revivre les exploits des années 2003 et 2004, la période qui vit le Cameroun grimper les marches, accéder à la première division du rugby africain et se permettre de rêver de Coupe du Monde.

Sa forte colonie de professionnels bien qu’assoiffée de challenges devra attendre. Attendre pour recommencer puisque c’est de cela qu’il s’agit. Repartir de zéro. Le pays devra se remettre à niveau avec les compétitions locales avant de s’atteler à convaincre les instances internationales de les réadmettre en leur sein.


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