Cameroun : La Fifa va-t-elle lâcher la Fécafoot ?

L'équipe de la rédaction d'Africa Top Sports




L’année 2017 pourrait marquer la fin de la grave crise que connaît depuis 2013 le football camerounais. Habituée à soutenir un camp – pas toujours celui qui a le droit avec lui- contre l’autre, la Fédération internationale de football association (Fifa) a décidé de mettre un terme définitif à l’interminable querelle. Le nouvel exécutif que dirige depuis un an Gianni Infantino  projette depuis quelques mois de réunir autour d’une table les différents protagonistes. La solution définitive pourrait consister en la mise à l’écart de Tombi à Roko, le dirigeant dont l’élection en 2015 a été invalidée.  

La démarche avait de quoi surprendre. Beaucoup parmi ceux qui suivent l’interminable crise à la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) se sont demandé si c’est bel et bien un courrier de la Fédération internationale de football association (Fifa) qu’ils avaient sous les yeux. Pour une fois, l’instance faîtière du football mondial n’a pas rabroué ceux qui s’opposent à ceux-là qu’elle a toujours défendus. Bien au contraire.

Dans sa missive datée du 30 Mars 2017, elle parle de trouver une solution aux problèmes soulevés depuis l’année 2013 et le début de la crise qui divise les acteurs du football camerounais. « Nous sommes conscients de la situation et examinons à l’interne les solutions viables qui apporteraient de la sérénité au sein du football camerounais une fois pour toutes », écrit la secrétaire générale en réponse à une énième plainte de ce que la presse locale appelle « l’opposition » à l’exécutif en poste à la Fédération. 

Fatma Samoura poursuit en annonçant que « Monsieur Veron Mosengo Omba, Directeur des Associations Membres Afrique et Caraïbes, va entrer en contact avec la Fécafoot ainsi qu’avec les autres parties intéressées pour vous présenter les actions que la Fifa prévoit d’entreprendre pour surmonter cette situation  ». Facile dès lors de penser que la Fifa revoit sa stratégie, change de fusil d’épaule dans la crise camerounaise.

Le 3 mai 2017 l’instance qui gère le football mondial confirme ses nouvelles intentions. Fatma Samoura invite pour une réunion à Zurich, le siège de la Fifa, les têtes de proue de l’opposition que sont Abdouraman Hamadou, Joseph Antoine Bell, Prosper Nkou Mvondo, John Balog et Domingo Akoué Epié. Ils doivent faire face à Tombi à Roko Sidiki, le chef de l’exécutif qui s’accroche à la tête de la Fécafoot et quelques-uns de ses collaborateurs. Initialement prévue le 8 juin 2017, la réunion dite de « conciliation » est, le 1er juin, reportée  au 3 août 2017. Pour certains observateurs, c’est juste la fin du « règne » de Tombi à Roko qui est repoussée. La nouvelle attitude de la Fifa est pour eux le gage d’une gestion plus orthodoxe de la crise à la Fédération camerounaise.

Joseph Blatter, Jérôme Valcke et leurs protégés Camerounais

Depuis 2013 l’instance basée dans la ville suisse de  Zurich avait montré son parti pris en faveur du groupe qui gère actuellement le foot au pays de Roger Milla. L’on a vu son ancien dirigeant Joseph Sepp Blatter adresser des félicitations à l’ancien président Iya Mohammed réélu le 19 juin 2013 alors qu’il se trouvait en prison. Une élection qui sera plus tard invalidée par la commission des recours de la Fécafoot saisie par les contestataires.

Comme conséquence immédiate, le 1er vice-président John Begheni Ndeh reprend le pouvoir en l’absence du président comme le stipulent les textes. Il suspend le secrétaire général d’alors Tombi à Roko Sidiki accusé de rébellion. Celui-ci va être soupçonné d’avoir envoyé à la Fifa la lettre qui l’amène à suspendre le Cameroun le 4 juillet 2013 pour « ingérence politique ». Après la levée de la suspension, un comité de normalisation est constitué et Tombi à Roko s’y retrouve. Par la grâce de la Fifa entend-on ici et là.

Les errements du comité d’organisation notamment en matière de rédaction des statuts n’alarment que très peu l’instance internationale. Elle proroge son mandat à deux reprises alors qu’il devait accomplir sa mission en 8 mois. En novembre 2014, alors que le Comité de normalisation de la Fécafoot lui écrit pour se plaindre des sentences de la Chambre de   conciliation et d’arbitrage du Comité national olympique et sportif –la plus haute juridiction sportive du Cameroun – Jérôme Valcke le secrétaire général de la Fifa à l’époque proteste.

« Nous tenons à vous rappeler que les associations membres de la FIFA sont tenues de gérer leurs affaires de façon indépendantes et sans aucune ingérence de tiers (articles 13 et 17 des statuts de la Fifa) faute de quoi elles peuvent être sanctionnées. C’est pourquoi, nous regrettons les agissements de la Chambre de conciliation et d’arbitrage du Comité national olympique et sportif du Cameroun alors même que le processus de normalisation du football camerounais touche à son terme avec les élections prochaines des nouveaux dirigeants de la Fécafoot. Depuis votre nomination, la Fecafoot a entrepris de grandes réformes à travers un processus qui s’est voulu le plus inclusif possible et en étroite collaboration avec la FIFA. La Fécafoot s’est ainsi dotée de nouveaux textes et règlements, notamment de nouveaux statuts qui prévoient une place pour l’ensemble des acteurs du football Camerounais et des mécanismes devant offrir de meilleures garanties de bonne gouvernance (Arbitrage, éthique, etc.) », écrit Valcke dans une lettre adressée au président du Comité de normalisation de la Fécafoot Joseph Owona.

Lorsque l’auteur de cette lettre est démis de ses fonctions à la suite du « Fifagate «  de 2015, nombreux sont les Camerounais qui se réjouissent de son sort. Certains dans la presse se souviennent qu’il était « celui qui ridiculisait le gouvernement camerounais, encourageait ses protégés de la Fécafoot à violer la loi du Cameroun, à ne pas respecter des sentences de la CCA du CNOSC, à passer outre les instructions ministérielles et à violer les propres textes de la Fédération ». Mais son départ ne signifie pas un retour à l’orthodoxie dans l’attitude de la Fifa envers le Cameroun.

La Fifa trainée au Tribunal pour violation de ses propres textes

Quand la Chambre de conciliation et d’arbitrage annule l’élection de Sidiki Tombi à Roko courant novembre 2015, la Fifa ne dit rien. Mieux, ceux qui assurent la transition lui permettent de voter lors de l’élection qui porte à sa tête l’Italo-Suisse Gianni Infantino. Ce dernier le convie aux réunions de la Fifa. L’association internationale n’agit non plus dans le sens de faire reprendre les élections lorsque le Tribunal arbitral du sport confirme en février 2017 l’annulation du processus électoral qui porte Tombi à la tête de la Fécafoot.

Le changement de stratégie de la Fifa laisse toujours les opposants de Tombi à Roko sceptiques. Leur leader, Abdouraman Hamadou refuse d’aller s’asseoir à la même table que quelqu’un qui n’a pas de légitimité. « Dès le 8 mai 2017, nous avons formellement fait part à la FIFA de nos réserves sur la participation à cette réunion de M. Tombi A Roko qui n’a aucune qualité et nous avons fermement réitéré cette position dans un courrier daté du 30 mai dernier. Nous ne sommes pas prêts à aller à Zurich dans n’importe quelle condition », faisait-il savoir le 2 juin 2017.

Un mois plus tôt, l’ancien directeur de cabinet d’Iya Mohammed  avait porté plainte contre la Fifa auprès du Tribunal arbitral du sport. Il l’accusait de continuer de considérer  Tombi A Roko Sidiki comme le président de la Fécafoot alors que son élection a été invalidée. Dans son argumentaire, il soutient que les statuts de la FIFA stipulent qu’elle doit appliquer les décisions du Tas sans condition. Ce qu’elle ne fait pas quand il s’agit de la Fédération camerounaise de football. D’où l’accusation de complicité qui en découle.

Pour ce qui est de la concertation prévue en Suisse, Abdouraman Hamadou accuse la Fifa de ne pas jouer franc jeu. Il explique que le report de cette réunion démontre l’embarras de l’instance faîtière du foot mondial.  « L’on voit bien que la FIFA continue la fuite en avant. Il est évident que l’annulation de la réunion du 8 juin 2017 n’a en réalité rien à voir avec la question des visas d’entrée en Suisse qui n’est qu’un banal détail », considère le principal dirigeant du club appelé Etoile filante de Garoua.

D’ici le 3 août la Fifa devrait avoir trouvé le moyen de résoudre la crise camerounaise. Si elle décidait de ne pas entendre les réserves des opposants aux actuels dirigeants de la Fécafoot, elle prolongerait l’impasse au sein de la direction du football camerounais. Si par contre Abdouraman et Cie  réussissaient à la faire plier ce serait assurément la fin avant terme du mandat tumultueux de son protégé Tombi à Roko Sidiki.

 

Pierre Arnaud Ntchapda

 

 

 


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