Auriole Dongmo : la lanceuse dorée du Cameroun

L'équipe de la rédaction d'Africa Top Sports




Auriole Dongmo connaît une année 2017 exceptionnelle. La lanceuse de poids de nationalité camerounaise transforme en or tout ce qu’elle touche. Elle a ainsi ramené le métal précieux des Jeux de la solidarité islamique de Baku (Azerbaïdjan) en mai,remporté un concours dans le même mois en Belgique avant d’offrir un autre métal doré à son pays aux récents Jeux de la Francophonie tenus en juillet dernier à Abidjan (Côte d’Ivoire). Ces lauriers s’ajoutent à d’autres encore plus prestigieux glanés lors des compétitions continentales officielles. A chaque fois quasiment la jeune championne de 27 ans repousse ses limites en établissant de nouveaux records. Cela en dépit d’un environnement de travail qui ne peut faire espérer que des miracles.

Les derniers championnats du monde d’athlétisme resteront à coup sûr l’un des plus mauvais souvenirs de la carrière d’Auriole Dongmo. Attention ! Pas à cause d’une éventuelle mauvaise performance. Plutôt en raison de son absence à ce rendez-vous. Cela va être difficile à croire mais la championne africaine du lancer de poids a manqué le rendez-vous de Londres malgré elle. Elle n’a pas pu se rendre dans la capitale anglaise à cause d’une histoire de visa. La Fédération camerounaise d’athlétisme n’aurait pas respecté les délais imposés par la procédure de demande du précieux document. Facile dès lors d’imaginer la souffrance et le désarroi de cette valeur sûre de l’athlétisme camerounais, de la chance de médaille que la native de la localité camerounaise de Ngaoundéré est devenue à la faveur de ses performances de rang ces dernières années.

Auriole Dongmo va être d’autant plus remontée contre les autorités sportives du Cameroun qu’elle n’a eu de cesse de réclamer une meilleure assistance de leur part. « J’ai tellement de choses à dire au gouvernement camerounais que je ne sais pas par où commencer…Déjà, ma situation au Portugal (lieu d’entraînement ndlr) parce que j’ai des difficultés à m’entraîner.Je vais arriver au Cameroun dans quelques jours pour rencontrer les autorités afin de leur expliquer » (…) « Ça ne va vraiment pas. Je souhaite beaucoup plus d’attention, de soutien et de considération. J’ai comme l’impression à la limite qu’on connait Auriol Dogmo seulement quand il y a compétition et quand la compétition s’achève tout finit aussi », se plaignait-elle en mai dernier, au lendemain d’une participation plus qu’honorable aux Jeux de la solidarité islamique de Bakou (Azerbaïdjan).

De record en record
L’on croirait entendre la même Auriole Dongmo il y a quelques années. Tant ses plaintes récentes ressemblent à celles qu’elle formulait à notre micro en 2012. « Je fais ce que je peux. Le gouvernement ne veut pas aider. Nous autres athlètes, sommes laissés à nous-mêmes.On fait ce qu’on peut, car de toute façon, c’est de notre avenir qu’il s’agit. On fait ce qu’on peut pour garder la forme et pouvoir remporter des médailles. Ce n’est pas du tout facile.Nous avons beau parler, réclamer du soutien, les autorités ne réagissent pas alors qu’elles savent que les athlètes peinent. On nous dit qu’il n’y a pas d’argent. C’est tout ce qu’on sait.Pendant ce temps, les footballeurs sont aux petits soins. Il nous manque tout. On a besoin de stages, de bien manger, du suivi, du matériel, des infrastructures. Qu’à cela ne tienne, on continue à faire du sport, parce que c’est une activité qu’on a choisie ». Elle nous rassurait toutefois en jurant qu’elle ne changerait pas de nationalité sportive à cause de ces mauvais traitements.

dongmoo

Dongmo a continué malgré tout à travailler et ses efforts même dans le dénuement ont payé.Après une blessure qui l’a empêchée de prendre part aux Jeux olympiques de Londres en 2012 la meilleure athlète de l’année 2011 au Cameroun a renoué avec le succès. En 2014 la médaillée d’or des Jeux Africains de Maputo (2011) termine sur la plus haute marche du podium aux championnats d’Afrique de Marrakech. L’année suivante, Auriol Sally Dongmo Mekemnang remporte l’or aux Jeux Africains de Brazzaville. Comparativement à sa performance de Maputo elle repousse les limites de sa performance. Elle passe de 16,03 mètres à 17,21 mètres. La Camerounaise sera encore couronnée aux championnats d’Afrique qui se tiennent en 2016 à Durban en Afrique du Sud. Là encore elle repousse ses limites. Sa performance est désormais de 17, 64 mètres. Sa 12ème place au concours de lancer du poids aux Jeux Olympiques de Rio quelques jours plus tard constitue un bon entraînement pour celle qui va gagner l’or aux Jeux de la Solidarité islamique près d’un an plus tard. Dongmova encore plus loin. Elle propulse le lourd objet sphérique à 17,75 mètres.

Le 28 mai 2016, elle s’impose dans un concours organisé à Oordegem-Lede en Belgique.Grâce à une performance de 17,72 mètres. Toujours aussi assoiffée de succès c’est une Dongmo bien boulimique qui arrive en Côte d’Ivoire, pays organisateur des jeux de la Francophonie en juillet 2017. La jeune championne de 27 ans remporte la médaille d’or avec un jet de 17 mètres 68. Les performances constantes et en nette progression d’Auriole Dongmo depuis 3 ans s’expliquent. La lanceuse a toujours voulu aller de l’avant. Elle a annoncé cette intention en 2012 au lendemain de son élection par le Comité national olympique et sportif du Cameroun. « Tout le monde va vouloir être comme moi. Il va falloir que je travaille dur pour garder ma place parce que tout le monde voudra être le meilleur l’année qui suit. Ce qui n’est pas évident si je n’arrive pas à travailler comme il se doit. Je dois être un modèle pour les autres », nous expliquait à l’époque cette ancienne joueuse de handball et de basket-ball.

Du handball au lancer de poids
Auriole Dongmo pratique ces disciplines pendant trois ans à Ngaoundéré. Elle participe même aux compétitions scolaires. Elle ignore alors tout du lancer de poids. Elle ne sait même pas qu’il fait partie des disciplines qui composent les compétitions de haut niveau. L’aventure en 2006 avec la Fédération nationale des Jeux scolaires (Fenassco). « Au départ, lors des Jeux Fenassco (Fédération nationale des sports scolaires) de Bertoua en 2006, l’on recherchait dans mon établissement une fille qui pouvait lancer le poids. Comme il n’y en avait pas, mon professeur d’éducation physique et sportive Aboubakar Dika, est venu me voir et m’a dit : «comme tu es un peu opulente, tu peux venir lancer le poids juste pour voir ». A l’issue des compétitions, j’ai obtenu la médaille de bronze. Jusque-là, je n’étais pas très disposée à devenir lanceuse. C’est l’entraîneur national Victor Saïdou qui m’a dit que j’avais du potentiel et que je pouvais faire carrière dans le lancer. Il m’a aussi proposé de m’entraîner.Convaincue, je me suis mise au lancer de poids. C’était en 2008 », se souvient Auriole.

Cette année-là elle termine 3ème du championnat du Cameroun et remporte la médaille d’oraux Jeux Fenassco. Elle remporte ensuite le titre de championne du Cameroun en 2009, 2010 et 2011. Son palmarès au plan local affiche aussi trois médailles d’or gagnées aux Dixiades, les Jeux nationaux du Cameroun en 2008 et 2010. Sa domination s’étend à l’Afrique centrale.Chez les seniors Auriole Dongmo est sacrée championne de la catégorie senior en 2009, 2010 et 2011. Elle est à 6 reprises numéro un de la catégorie junior. Mademoiselle Dongmo pense au moment où elle ne pourra plus exercer son activité sportive préférée. Elle accorde une place de choix à sa formation intellectuelle pour cette raison. C’est aussi un moyen de contourner toute mauvaise surprise. « J’ai tenu à reprendre mes études parce que je ne veux pas mettre tous mes œufs dans un seul panier. Le sport a ses revers. Lorsqu’un athlète se blesse, c’est fini. Alors qu’avec au moins le baccalauréat, un sportif peut suivre une formation et devenir professeur d’éducation physique et sportive, entraîneur, par exemple », précise-t-elle.

Pierre Arnaud Ntchapda

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