Exclu / Foot Côte d’Ivoire: Le Directeur technique national tire sur tout le monde!

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N’Guessan Clément n’a pas sa langue dans la poche. Le Directeur technique national le démontre, ici, dans cette interview exclusive. Sans crainte de représailles, il situe les responsabilités du recul du football ivoirien au plan local. Le prétexte est tout trouvé: l’échec des Eléphants A’ au Tournoi de l’Uemoa.

NguessanClémentAprès l’élimination sur le chemin du CHAN 2014, les Eléphants locaux ont encore perdu la face au Tournoi de l’Uemoa, au point où on est en droit de s’interroger sur les causes de ces échecs répétés.

Plusieurs raisons expliquent cet échec. Elles sont d’abord d’ordre stratégique. Figurez-vous, il y a des joueurs qui évoluent le frein en main. Ils craignent de se blesser parce qu’ils sont sur le point de partir à l’étranger. Ensuite, il y a la qualité technique des joueurs et la qualité de la formation dispensée dans les centres, qui  fournissent, malheureusement,  la plupart des joueurs que nous avons vus. Les clubs ont abandonné la formation. N’importe qui se lève désormais pour faire la formation. Les centres de formation se sont imposés à nous; on ne les a pas légitimés. On a été obligés des les accepter.

Qu’est-ce qui explique cela?

C’est le laxisme de la Fédération. C’est elle qui doit donner l’orientation générale du football local sur proposition de la Direction technique nationale. Mais, moi  DTN , je fais des propositions qui sont balayées carrément!

Qu’avez-vous proposé concrètement pour relancer la machine de la formation et du football ivoirien dans son ensemble?

J’ai proposé qu’on prélève 10% sur la subvention des clubs pour les encourager à faire la formation. On m’a rétorqué que les 50 millions F CFA de subvention étaient déjà insuffisants pour être soumis à un abattement.

Finalement à quoi sert le DTN si ses propositions ne sont pas prises en compte?

Ne voyons pas les choses sous cet angle. J’ai plusieurs cordes à mon arc. Face à ce refus, j’ai proposé  l’organisation de championnats pour voir ces centres de formation à l’œuvre. C’était en quelque sorte mon plan B. Maintenant, on ne sait pas si ces championnats vont se faire ou non.

Vous mettez à l’index la formation dispensée dans les centres alors que les U-17 mondialistes, qui  nous valent des satisfactions, sont le fruit de ces établissements privés!

Au niveau des jeunes, on retrouve toujours de la  qualité. Certes, ils se comportent bien au Mondial, mais tout n’est pas parfait. Ils ont une qualité principale: condition physique, positionnement tactique et mental de fer. Ca se comprend. C’est un groupe qui évolue ensemble depuis des mois, ça ressemble à une équipe. Ils bénéficient de très bonnes conditions. Avant d’aller à la CAN, ils ont fait un stage d’un mois à Yamoussoukro, ensuite ils sont allés à Tunis pour un mois également. Pareil pour le Mondial. Cette fois-ci, ils sont allés en Espagne après le stage de Yamoussoukro. Les moyens ont été dégagés pour le faire. Au contraire des Eléphants locaux qu’il est difficile de regrouper pendant longtemps vu que ceux-là jouent le championnat. Le problème des U-17 va se poser quand ils vont rentrer de la Coupe du monde?

Avez-vous déjà  préparé un plan pour éviter la déperdition de cette génération? 

Ils sont déjà dans les clubs. On ne peut donc pas les prendre tous pour en faire une sélection. C’est vrai que des pays de l’Afrique du nord le font, ils prennent des joueurs dès les 14 ans pour les regrouper  dans des internats. Le Nigéria l’a fait aussi. C’est le groupe qui a remporté la CAN 2013. Dans ces conditions, les automatismes naissent à la différence d’une sélection ordinaire où on a tout au plus 7 jours pour préparer un match ou une compétition.  C’est cela aussi la difficulté. Mais, reconnaissons aussi que les Ivoiriens n’ont pas joué selon les principes du football moderne: transition rapide vers l’avant. Pour nous, c’est transition lente vers l’arrière. Ce sont des défaillances techniques. La responsabilité incombe à la DTN. Nous allons faire nos analyses et tirer les leçons de cet échec.

D’un point de vue technique, comment définirait-on un football à l’ivoirienne un peu comme le football italien caractérisé par la rigueur tactique?

On a une identité hybride. C’est différent des football brésilien, italien, espagnol. Le football italien, c’est la rigueur tactique et physique; le football espagnol, c’est  la rigueur technique et tactique etc. Chacun base son jeu sur ces qualités même s’il faut y ajouter aussi la rigueur mentale. On a quand même notre football, mais c’est un football qui est faux.

Peut-on repenser le football ivoirien pour lui donner une identité?

Oui, mais cela suppose qu’on mette les clubs à la formation. Ca demande beaucoup de moyens. D’ailleurs, c’est la recherche d’argent qui pousse les clubs à vendre des joueurs. Mais, une fois qu’on a vendu les joueurs, qu’est-ce qu’on fait de l’argent? Est-ce qu’on met ces moyens à la disposition des clubs? Y’a-t-il de la formation en amont? Voilà la problématique. La faiblesse de la formation qu’on déplore aujourd’hui est liée au nombre pléthorique de centres. Ce ne sont pas des structures fiables, ils n’ont pas les infrastructures et le matériel adéquat encore moins les formateurs qualifiés.  Ajouté à cela les agents de joueurs qui sont venus se mettre dans le lot pour piocher les bons joueurs dès le bas âge. Si on veut sortir de cette grisaille, il faut qu’on se dise la vérité. Chacun doit assumer sa part de responsabilité au lieu de chercher la poutre dans l’œil des autres. La démission des clubs a favorisé l’explosion des centres. Mais, on ne peut pas rester les bras croisés. Les centres font très mal la formation, on est obligés de les aider.

A vous entendre, il y a fort à craindre pour l’avenir des Eléphants A. On a l’impression que Drogba et compagnie sont comme l’arbre qui cache la forêt.

Depuis une dizaine d’années, le championnat de Côte d’Ivoire se joue avec les joueurs les moins doués de leur génération. Dès le bas âge, les agents font partir les joueurs avec la complicité des parents. Ces derniers ont raison, dans une certaine mesure, parce que les joueurs  ne sont pas bien traités ici. Mais, que fait l’Etat ivoirien pour freiner cet exode massif des enfants? Il faut une législation ou des mécanismes en la matière. C’est pourquoi, je demande que chacun prenne  ses responsabilités. Heureusement que les Eléphants A sont constitués essentiellement de joueurs issus des clubs professionnels. Du coup, on n’a pas de souci à se faire pour la relève. Il y a beaucoup de jeunes talents qui s’exportent et qui évoluent dans de très bonnes conditions en Europe.  D’ailleurs, je m’en vais vous dire qu’on va se qualifier pour le Mondial 2014.

De notre collaborateur en Côte d’Ivoire, EMGEY MARTIAL 


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