Football africain : De la nécessité de composer avec les anciennes gloires

L'équipe de la rédaction d'Africa Top Sports




Assez souvent, pour booster les joueurs, on a beaucoup tendance à rappeler la hargne et la détermination des générations passées. Les anciennes gloires, comme on dit. Mais sur le terrain, le contraire est assez saisissant. Les staffs techniques des équipes africaines sont plutôt un réceptacle de gens qui n’ont pas forcément un vécu, une expérience en la matière. Constat à la fois frustrant et préjudiciable pour les sélections du continent.

Roger-Milla670On entend souvent dire aux joueurs d’emboîter le pas à leurs prédécesseurs. Au Togo par exemple, il n’est pas rare d’entendre évoquer le nom du Dr Kaolo pour stimuler chez les Eperviers la hargne et la détermination de vaincre.  Waké Nibombé, Jean Paul Abalo Dosseh, Mohamed Kader Coubadja Touré, Kossi Noutsoudje (des joueurs d’une génération très récente) sont souvent cités en exemple pour susciter chez la génération d’Emmanuel Shéyi Adébayor du patriotisme mais aussi de l’engouement pour le cuir rond.

De même, au Cameroun par exemple, la liste des vieilles gloires du football est bien longue. De Roger Milla à Patrick Mboma récemment en passant par Makanaki, Joseph Antoine Bell, Thomas Nkono pour ne citer que ceux-là.

Basile Boli, Abedi Pele, Rachid Yekini, Robert Mensah, Youssouf Fofana, etc. L’Afrique ne tarit pas d’exemples quand il s’agit de citer des références en football pour stimuler les jeunes.

Des références oubliées !

Cependant, il se pose une question essentielle : si des musées ou monuments ont été dédiés à la mémoire des vieilles gloires qui soit ne sont plus du monde des vivants, soit n’ayant plus la force nécessaire pour des activités sportives, que fait-on des anciens joueurs qui ont encore quelque chose à apporter aux plus jeunes ?

Il est vrai que l’histoire du football togolais est incomplète sans Emmanuel Adebayor et sa génération. On peut même dire que cette histoire a véritablement commencé à s’écrire avec eux : les premiers à aller à une phase finale de Coupe du monde. Toutefois, avant eux, les Togolais avaient la passion du football. Une passion que leur donnaient de grands joueurs comme Kossi Noutsoudjin, Jean Paul Abalo Dosseh (le capitaine), Ouadja Lantame, l’imperméable portier Nibombé Waké (on se souviendra des puissantes frappes de Anthony Yéboah, Charles Akonor, ou d’Abedi Pele) qui n’ont malheureusement pas trouvé le fond du filet togolais lors de la CAN 1998 au Burkina Faso. L’histoire retiendra également que le premier but du Togo en Coupe du monde porte la signature d’un certain Abdel Kader Coubadja Touré, affectueusement appelé TGV, lui qui a, en 1998, marqué le but de la victoire des Eperviers face au Ghana (2-1) à la CAN burkinabé. Djima Oyawolé, Olufadé Adékanmi, Aziawonou Kaka, la liste n’est pas exhaustive.Abalo Dosseh

Mais, que sont-ils devenus, ces joueurs ? Hormis, Lantame et Olufadé qui entraînent des clubs de première division au Togo (dans des conditions que l’on connaît), le reste semble jeté aux poubelles de l’histoire.

Que dire de la génération 2002 au Sénégal ?

Aujourd’hui, l’équipe nationale de football du Sénégal se cherche. Impossible même d’imaginer qu’il y onze ans, ce pays avait fait son entrée dans la cour des grands. Le Mondial Corée-Japon 2002 restera toujours gravé dans l’imaginaire collectif sénégalais et même africain, car c’est en cette année que les Lions de la Terenga, pour leur première participation, sont allés en quarts de finale de Coupe du monde, avec des résultats spectaculaires.

Une décennie après, difficile de savoir ce que sont devenus Pape Bouba Diop (auteur du but sénégalais contre la France en 2002), le défenseur Ferdinand Coly, le portier Tony Silva, Elhadji Diouf, etc. Non pas en termes de conditions de vie, mais dans le sens de leur rapport avec le football sénégalais actuel. Le dernier est souvent très présent dans les médias pour ses déclarations fracassantes, qui pour promouvoir la nouvelle génération qui pour dénoncer les tares des dirigeants. Mais il est souvent mal compris et c’est selon.

Rashidi Yekini décédé dans la misère au Nigéria

YekiniCoupe du monde 1994, le Nigéria joue son premier match en Coupe du monde à laquelle il participait pour la première fois, avec le titre de champion d’Afrique. Les Supers Eagles sont sans pitié pour la Bulgarie battue par 3 buts à zéro. L’homme du match s’appelle Rashidi Yekini. Le Nigéria de Yekini, Emmanuel Amunike, Peter Rufai, Sunday Oliseh, Jay Jay Okosha, Taribo West, George Finidi, Victor Ikpeba, arrive en 8emes de finale avant d’être éliminé par l’Italie de Roberto Baggio, dans les dernières minutes.

Même s’il est vrai qu’au Nigéria, la fédération entretient d’étroites relations avec les anciens joueurs, le cas de Rachidi Yekini suscite indignation et interrogation. En 2012, L’ex-joueur de la génération Finidi, Rufai, Okocha, Kanu, souffrait d’une maladie neurologique rare. La rumeur avait circulé qu’il mendiait dans les rues de Lagos jusqu’à sa mort.

L’ancien buteur des éléphants de Côte d’Ivoire, Tiéhi Djoman Joël, qui a fait une carrière footballistique bien réussie, a été mêlé à toutes sortes de scandales, sans jamais répondre de ses actes devant les juridictions compétentes. Exilé en France en 2011, où il passé une grande partie de sa carrière, Tiéhi Joël passe ses diplômes d’entraineur qui ne serviront surement pas au football ivoirien.

Cameroun, Ghana… des exemples à suivre

Interrogé sur le sujet, Elhadji Diouf, l’ancien attaquant sénégalais, a déclaré : « Il y a un lobbying fort dans le football qui nous empêche de venir soutenir nos Abedipetits frères en équipe nationale. Pour faire de la haute compétition, il faut s’entourer de professionnels, de gens qui ont un vécu, de l’expérience ». Oui, pour faire de la haute compétition, il faut que les équipes africaines s’entourent de professionnels. Et ça, des pays comme le Cameroun, le Ghana, le Nigéria, ou la Zambie (Kalusha Bwalya à la tête de la Fédération zambienne de football) l’ont compris.

Le Cameroun reconnaît à Roger Milla la place qui lui revient. Il est impliqué dans le football camerounais. Récemment, il s’est personnellement investi pour le retour en sélection d’un autre joueur de talent comme lui, Samuel Eto’o, dont la présence dans la tanière des Lions indomptables était plus que nécessaire à la qualification du Cameroun pour la Coupe du monde 2014. Le résultat, on le connaît.

Roger Milla est toujours si proche du football en général qu’il a fondé en 2005 une fondation dénommée Cœur d’Afrique dont la mission première est de venir en aide aux déshérités, mais qui facilite la reconversion des anciennes gloires de toutes les disciplines sportives.

Lorsque le Ghana devait se déplacer au Caire pour le barrage retour qualificatif du Mondial 2014, les Ghanéens avaient la peur au ventre. La crise sociopolitique égyptienne ne rassurait personne. Abedi Pelé, une ancienne star du football ghanéen, l’autre Pelé de l’OM avec ses dribbles déroutants, a pris son bâton de pèlerin pour rassurer tout le monde. «Tout le monde devrait être détendu. Le patron de la Fédération et le ministre font tout ce qu’ils peuvent pour assurer déplacement des joueurs et du public dans de meilleures conditions. Les mesures n’ont pas été achevées, c’est un processus en cours, mais soyez assurés », avait-il déclaré. Preuve le père d’André et Jordan Ayew est très impliqué dans le football de son pays.

« Le football, ce n’est pas seulement le terrain, disait Elhadji Diouf, ça se passe aussi en dehors du terrain. Prenez le cas de Khalilou Fadiga, il fait de la consultance pour Al Jazeera, il apporte son expertise à Anderlecht. Et pourtant, on ne l’appelle pas, on ne sollicite pas ses services. Lui, l’ancien Gaucher magique, il peut servir l’équipe nationale. Le Sénégal doit s’entourer de ses anciens grands joueurs qui peuvent apporter leur expérience ». Comme le dit si bien l’adage africain, « c’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle ». 


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