Tonnerre – Canon de Yaoundé: clubs mythiques en perte de vitesse

L'équipe de la rédaction d'Africa Top Sports




Ces dernières années, deux des clubs les plus représentatifs du Cameroun s’illustrent abondamment dans la rubrique faits divers. Tonnerre Kalara club et Canon sportif tous domiciliés à Yaoundé font davantage parler d’eux pour les crises successives qui les secouent. Des crises qui ont un dénominateur commun : leadership. Cette saison encore les factions se sont affrontées pour le contrôle de ces équipes qui sportivement ne paient plus de mine. Sous le regard impuissant si ce n’est complice de la Ligue de football professionnel. Evocation.    

Comme chaque saison, Canon et Tonnerre de Yaoundé font leur bonhomme de chemin dans les championnats dans lesquels ils sont engagés. Reste que ces deux clubs ne sont plus les foudres de guerre des années 70 et 80. Ce ne sont plus les favoris de l’époque. Canon sportif, resté en première division ces dernières saisons parfois grâce à des décisions suspectées, se classe au 14ème rang sur 18 après 13 journées. Quant à Tonnerre Kalara club l’autre ancien champion d’Afrique, il végète en deuxième division (Ligue 2) depuis la saison 2013-2014. Tonnerre vient de perdre son match de la 13ème journée (battu 0 but contre 1 par Matelots de Douala) et est classé dernier. Il va peut-être refaire son retard au classement à l’occasion des matches en retard qu’il doit disputer pour avoir manqué plusieurs journées.

Le Tkc (c’est l’abréviation de son nom) paie ainsi les secousses internes qui ont éloigné ses joueurs des terrains au début du championnat de Ligue 2 en cours. A l’instar de Canon de Yaoundé qui connaît cependant un sort plus heureux. Le club qui a entre autres surnom celui de Kpa-Kum ne rate qu’une journée, la première et jouera le reste des matches sans souci. Réunies par le Super Maire de Yaoundé (Gilbert Tsimi Evouna) qui craignait que la capitale camerounaise en arrive à ne plus être représentée dans les championnats d’élite, les trois factions vont s’entendre et affilier une seule équipe. Leurs leaders respectifs Laurent Ateba Yene, Augustin Edjoa et Emmanuel Mvé Elemva fument le calumet de la paix. Du côté du Tkc,  ce sont deux factions qui se sont affrontées dès l’intersaison. La première était conduite par Achille Essomba Mani. La seconde avait pour leader Emile Onambélé Zibi.

Tonnerre de Yaoundé dirigé par le gouvernement…

La crise  naît le 27 novembre 2016 au cours de l’assemblée générale qu’organise le club à Yaoundé. En désaccord avec certains membres, le président sortant Onambélé Zibi quitte la salle des travaux qui se poursuivent sans lui. Un nouveau bureau sera élu, mais le patriarche ne reconnaîtra aucune légitimité à Achille Essomba Mani, son président. La crise enfle. Onambélé Zibi organise une autre assemblée générale. Le désaccord prend des proportions   au point où les deux camps qui revendiquent la gestion du club né au quartier Mvog-Ada présentent deux équipes de Tonnerre au stade militaire de Yaoundé le 12 Mars 2017, jour du premier match de championnat de ce club.

Après de vives altercations verbales et une tension maîtrisée avec peine par les forces de l’ordre le match finit par se jouer avec deux heures trente de retard. Le président de la Ligue de football professionnel, le général à la retraite Pierre Semengue est celui qui s’est obstiné à faire jouer le match Tonnerre-Botafogo. Il est allé contre l’avis du sous-préfet du coin qui craignant des troubles à l’ordre public avait interdit le déroulement de la rencontre. L’ancien chef d’Etat-major des forces armées camerounaises a surtout défié la logique sportive en faisant évoluer des joueurs sans licences. En effet, bien qu’affiliée par la Ligue,  la faction Essomba Mani n’en possédait pas. C’est plutôt aux joueurs d’Emile Onambélé Zibi que la Fédération camerounaise de  football a remis ces documents.

Les conséquences des échauffourées du 12 mars ne se font pas attendre. Le préfet du département du Mfoundi, dont Yaoundé est le chef-lieu, interdit la programmation des matches du Tkc sur ses terres. Certains de ses collègues dans la région du Centre  vont l’imiter. Il sera refoulé avec ses équipes jusqu’à Bamenda, dans la région du  Nord-Ouest où il voulait faire jouer une rencontre de Ligue 2 concernant Tonnerre de Yaoundé. Tonnerre va se  retrouver inactif et accumuler les matches en retard jusqu’au moment où le ministre des sports et de l’éducation physique Pierre Ismael Bidoung Mkpatt intervient sur instruction du premier ministre Philemon Yang.

Il réunit le président de la Ligue, le président de la Fédération camerounaise de football et  les deux dirigeants des deux factions de Tonnerre de Yaoundé.  Il ressort de cette réunion un accord qui prévoit  la mise sur pied d’un comité provisoire de gestion. Dans la correspondance qu’il adresse à Onambélé Zibi et Essomba Mani le 11 avril, Pierre Semengue demande à chacun de ces protagonistes de désigner chacun trois personnes en dehors d’eux-mêmes pour siéger comme membres constitutifs du Comité de gestion provisoire du Tonnerre Kalara Club. Le comité sera dirigé par le secrétaire général du ministère des sports et de l’éducation physique. Voilà qui en apparence éloigne quelque peu Pierre Semengue du Tonnerre.

Tonnerre de Yaoundé

Le général Pierre Semengue accusé d’ingérence

Le vieux militaire s’est intéressé de très près à la crise au sein des noir et blanc. Il a eu à saisir la Chambre de conciliation et d’arbitrage du Comité national olympique et sportif du Cameroun, la plus haute instance de la justice sportive du pays, pour savoir qui d’Onambélé Zibi ou d’Essomba Many a raison. L’avis de la CCA étant favorable au Tonnerre version Essomba Mani. Ce qui décide Semengue à choisir d’affiler cette faction du club mythique de Yaoundé. « Au moment des affiliations des équipes pour cette saison sportive, je n’avais pas encore constitué la commission juridique de la ligue. J’ai donc demandé à ma tutelle la Fécafoot quelle est l’assemblée qui est légitime ? La Fécafoot m’a répondu en me disant que c’est celle d’Onambélé Zibi. Ceci m’a étonné parce que visiblement il y a quelque chose qui n’allait pas. Ne serait-ce que le délai de convocation », constate-t-il.

Et le général de poursuivre sa longue explication : « Le délai de convocation dans toutes les administrations c’est 15 jours minimum or, cette assemblée générale s’est réunie 13 jours après. En outre, le monsieur a changé de lieu en tenant son assemblée à Yaoundé 2. La réaction de la Fecafoot m’a étonné et j’ai donc attendu que ma commission juridique soit mise sur pied. Après deux séances, elle a décidé au sujet de l’affaire Canon qu’il faut traiter avec la société existante. Pour ce qui est de Tonnerre, on a décidé que c’est la première assemblée est valable. Mais comme c’est une famille, j’ai désigné une commission ad hoc pour faire l’entente entre les deux factions. Mais étant entendu que la faction Onambélé Zibi  n’existe plus puisqu’elle a été absorbée par la nouvelle société à savoir TKC SAOS, il n’y a qu’une société qui existe à savoir celle que dirige mon fils parait-il. Cette concertation a échoué ».

Semengue va s’appuyer sur l’avis favorable de la CCA pour qualifier le Tonnere version Mani Essomba. « J’ai demandé à la commission juridique de me dire qu’elle est la faction qui est valable. Elle m’a dit que c’est celle de Mani Essomba. J’ai donc convoqué mon conseil d’administration pour lui apprendre que c’est la tendance de Mani Essomba qui est qualifiée. Mais le conseil m’a demandé de suivre l’avis de la Fécafoot même si elle s’est trompée. Je leur ai donc dit que je ne signe pas leur résolution parce que c’est illégal. J’ai donc saisi la chambre de conciliation et d’arbitrage du Cnosc qui m’a donné raison. C’est sur cette base que la ligue a affilié Tonnerre de Mani Essomba. Mais curieusement alors que c’est moi qui doit qualifier l’équipe à qui la Fécafoot doit délivrer les licences, je me rends compte que l’équipe d’Onambélé Zibi a déjà les licences. Je ne sais pas qui a établi ces licences », ajoute le patron du football professionnel au Cameroun.

Nous sommes alors au début de la saison et les interventions de Pierre Semengue notamment dans le dossier Tonnerre courroucent déjà les autres membres de la Ligue de football professionnel du Cameroun. Dans une des résolutions prises au cours de l’assemblée générale du 14 avril 2017, elle lui interdit à l’avenir toute ingérence dans la vie des clubs. « L’Assemblée Générale demande à la Ligue de ne plus s’immiscer dans les affaires internes des clubs conformément à l’article 17 de ses statuts », lit-on. « Il était temps »,  semble dire le président de Colombe du Sud André Noël Essian qui dénonce : «La Ligue a passé deux à trois mois à s’immiscer dans les problèmes individuels des clubs ; ce qui est interdit dans nos statuts. Les cas Canon et Tonnerre ont suffisamment distrait les responsables de la Ligue qui avaient pour mission autre chose dans la recherche des financements pour les clubs professionnels qui sont au nombre de 38 ».

A ceux qui l’accusent de soutenir une faction du Tonnerre parce que son fils Stéphane en est un dirigeant, Pierre Semengue a cette réponse : « que mon fils soit dans le tonnerre m’importe peu. C’est un monsieur qui a plus de 40 ans. C’est un majeur. Il peut bien faire ce qu’il veut ce n’est pas mon problème. Le Tonnerre est comme toute autre équipe à la ligue », clame-t-il. Est-ce donc alors la nostalgie du Tonnerre qu’il a quitté il y a 15 ans qui l’habite ? Difficile de répondre. L’on sera plus renseigné sur ses réelles intentions après la fin de la saison en cours. Au moment où il faudra organiser de nouvelles assemblées générales pour Canon et Tonnerre. Au vu des enjeux, l’accalmie que l’on connaît en ce moment pourrait bien céder la place à une ambiance électorale tendue. Ce qui ne serait pas de nature à redorer le blason déjà passablement terni de ces clubs devenus l’ombre d’eux-mêmes et qui pourtant jadis firent la fierté du Cameroun sur la scène internationale.

Pierre Arnaud Ntchapda  


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