Cameroun : la Fédération de rugby toujours en proie à la tourmente

L'équipe de la rédaction d'Africa Top Sports




Les joueurs de rugby sont toujours aussi malheureux au Cameroun. Leur fédération vient encore d’être encore suspendue par la Confédération africaine. En partie à cause des querelles de personnes qui depuis une éternité mettent leurs intérêts devant ceux de la discipline et de ses pratiquants. Evocation de l’interminable crise du rugby camerounais.

Le rugby camerounais n’est pas sorti de son cauchemar. Une fois de plus, une fois de trop certainement, il se retrouve relégué au ban de la communauté rugbystique internationale. Après les deux précédentes sanctions, La Fédération camerounaise de rugby écope cette fois de trois mois de suspension. Rugby Afrique, la Confédération africaine de rugby de punir l’association que dirige Jean Daniel Likale au cours de la réunion du  comité exécutif du 17 mai 2017.

L’instance continentale a retiré à ce pays d’Afrique centrale l’organisation de la Bronze Africa Cup, équivalent de la 3ème division de la Coupe d’Afrique des nations de rugby à quinze. Rugby Afrique déplore les retards successifs accusés par le Cameroun (tournoi reporté 3 fois) et la crise qui est apparue entre dirigeants de la Fédération. « Il y avait une responsabilité que nous ne voulions pas prendre : faire déplacer des joueurs, des jeunes, alors qu’on ne sait pas qui gère les choses sur place et comment c’est géré », a expliqué à Radio France internationale, le président de Rugby Afrique Abdelaziz Bougja.

La révolution manquée

La compétition devait réunir le Cameroun, l’Algérie et le Nigeria. Finalement, en raison de la disqualification du Cameroun, seules les deux dernières nations citées s’affronteront dans deux matches prévus au Nigeria ou en Algérie. L’autre conséquence du désordre à la Fédération camerounaise de rugby est le gel pour 3 mois des activités de cette association. Le temps pour elle, déclare Abdelaziz Bougja, « d’organiser une assemblée générale extraordinaire et de faire le ménage en son sein, avant de venir nous voir».

Les conflits internes invoqués par Rugby Afrique pour justifier les sanctions prises à l’encontre du Cameroun concernent principalement Jean Daniel Likalé et Georges Ngono. Le premier est le président de la Fédération camerounaise de rugby (Fécarugby). Le second est le manager général démis de ses fonctions par l’autre en avril dernier.  Des clans se sont formés. Le président de la Fécarugby a accusé Rugby Afrique de soutenir Georges Ngono. Puis, patatras ! La Cameroun écope de sa 3ème suspension en quatre ans. Il avait déjà subi les foudres des instances internationales du rugby en 2013 et 2014. Au commencement d’une olympiade qui va s’avérer très mouvementée à la Fécarugby.

Confronté dès son élection (en fin décembre 2013) à la résistance de l’exécutif sortant dont l’élection a été invalidée par le ministère des sports et de l’éducation physique, le bureau de Jean Daniel Likalé va voir son unité se fissurer dès le début de l’année 2015.  Le 28 mars, une assemblée générale dont Me Jean Daniel Likale va contester les résolutions plus tard déchoit le président national et installe son vice-président Jacques Ngonsu à sa place. Le dirigeant évincé va saisir la Chambre de conciliation et d’arbitrage du comité national olympique et sportif du Cameroun. La plus haute juridiction sportive du pays va lui donner raison en annulant au mois de mai l’assemblée générale à problème.

Ainsi légitimé, Likale ouvre la chasse aux sorcières et fait radier Ngonsu et ses partisans.  Ceux-ci ne se résigneront pas et poursuivront le bras de fer. Ce qui va obliger Rugby Afrique à suspendre pour la première fois sous l’ère Likale la Fecarugby. La mise à l’écart du Cameroun se traduit par l’exclusion de son équipe nationale fanion du tournoi de Lusaka (Zambie) qui rassemble vers la fin juin 2017 les équipes de la poule C de la première division de la Coupe d’Afrique. Seuls la Zambie, le Nigeria et le Zimbabwe vont disputer la compétition.

Des bagarres à n’en plus finir

Les anti-Likale déterminés à faire tomber leur adversaire saisissent Rugby Afrique en l’accusant notamment de malversations. Le 8 juin, la confédération africaine exige dans une correspondance de Jean-Daniel Likalé qu’il justifie l’emploi de la subvention de 13 millions de francs Cfa reçue d’elle et aussi qu’il apporte les éléments juridiques qui autorisent les radiations du vice-président Jacques Ngonsu et du secrétaire général Alfred Bisso.

Pour ce qui concerne l’utilisation de l’aide de Rugby Afrique, Jean-Daniel Likalé doit dire notamment en quoi ont consisté les dépenses et faire effectuer un audit comptable de la Fédération. Si le président de la Fécarugby ne répond pas dans un délai de 30 jours, le Cameroun déjà suspendu, va perdre sa qualité de membre de la World rugby, l’instance qui gère le rugby dans le monde.

Rugby Afrique et World Rugby décident, pour éteindre le feu, de réunir autour d’une table,  les protagonistes de la crise. Un émissaire, l’Ivoirien Marcellin Zahui, est envoyé dans la capitale camerounaise Yaoundé le 29 juillet 2015 pour ce faire. Son autre mission consiste à superviser l’assemblée générale extraordinaire du 1er août 2015. Un bureau de cogestion est mis en place. Jean Daniel Likale en est le président et Jacques Ngonsu, le leader de la dissidence, le vice-président. Le calme revient mais pas pour longtemps. Les désaccords resurgissent au mois de décembre 2015.

Ecarté par une partie de son équipe au motif qu’il ne respecte pas les termes de l’accord de cogestion, Jean Daniel Likale riposte en modifiant la composition du bureau. Le 13 janvier 2016 il publie un communiqué qui mentionne qu’une « assemblée générale mixte » s’est tenue le 26 décembre 2015. Le président de la Fécarugby explique que la composition du bureau a été modifiée « suite aux cas de décès survenus l’an passé et des sanctions infligées à certains acteurs du rugby par l’assemblée générale mixte du 26 décembre 2015 ».

En réaction, Jacques Ngonsu dénonce des manœuvres de diversion ayant pour but de perturber la cérémonie de remise de récompenses qu’il organise le week-end d’après dans la ville de Douala… En qualité de président de la Fédération. La Fecarugby se retrouve désormais avec deux dirigeants. Il faudra l’intervention courant mars 2016 du ministre des sports et de l’éducation physique Pierre Ismaël Bidoung Mkpatt pour que le calme revienne.

Presque huit ans que ça dure…

Le patron des sports au Cameroun va imposer à Jean Daniel Likale de faire la paix avec ses opposants pour continuer à bénéficier des aides financières de son département. L’on n’entendra plus d’éclats de voix jusqu’à ces préparatifs de la Bronze Africa cup qui plombe l’harmonie retrouvée. Les rugbymen vont encore déchanter. Ce sont eux les grands perdants des incessantes querelles entre les dirigeants de leur fédération. Eux qui avaient cru à un retour définitif à la compétition lors de la prise de pouvoir de Jean Daniel Likale, revivent depuis près de quatre ans les heures sombres qui ont précédé l’arrivée des actuels dirigeants.

Avant le changement de la fin décembre 2013, la Fédération camerounaise de rugby était exsangue. Elle était suspendue pour une durée indéterminée par les instances continentale et mondiale pour n’avoir pas payé la dette de 57 millions de Francs Cfa représentant des pénalités qui sanctionnaient des absences aux compétitions internationales et manque d’activités entre autres. Le Cameroun perdra jusqu’à son statut de membre de l’International rugby board (désormais nommé World Rugby).

Le bureau conduit depuis 2009 par l’ancien bâtonnier du Barreau du Cameroun Me Patrice Monthé est pointé du doigt.  Il est accusé de malversations financières et la réélection de son leader est invalidée. Les sponsors et les mécènes ayant coupé les vivres faute d’avoir pu savoir comment l’argent destiné à un tournoi international de rugby organisé en 2011 a été dépensé, il devient compliqué pour la fédération d’organiser ses compétitions. Quand elles ont lieu, elles se terminent en queue de poisson.

Exit l’espoir et le rêve charriés par l’avènement de la nouvelle équipe. Le plan de développement du rugby local tracé à l’époque est tombé à l’eau. La construction du premier stade de rugby du pays, à la sortie est de la ville de Douala, témoignait de l’ambition qu’avaient les soutiens de la fédération. Tous  rêvaient de voir les passionnés du ballon ovale faire flotter haut le drapeau du Cameroun. Manque de pot car hier comme aujourd’hui les égoïsmes des uns et des autres ont ruiné ce formidable projet.

Pierre Arnaud Ntchapda       


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