Tout sur la préparation mentale d’un sportif (1)

L'équipe de la rédaction d'Africa Top Sports




L’instant où un sportif décide de stopper son effort dans l’action, soit parce qu’il est dominé par un adversaire, soit parce qu’il n’est pas dans le rythme de la course ou du jeu, est un moment de libre arbitre. Hormis les blessures, les causes sont fréquemment liées à la fatigue et au découragement. La mesure du pouls, le niveau de puissance en watts ou la variabilité cardiaque sont des outils particulièrement utiles pour déterminer un seuil de fatigabilité. Reste alors à déterminer, du point de vue de l’individu, dans quelle mesure le mental influence le physique ou l’inverse.

D’ordinaire, les causes de ce relâchement s’apparentent à des prétextes qui peuvent manquer de singularité. Elles sont susceptibles de déclencher, de la part des observateurs, des commentaires redondants tels que : « il n’a plus confiance en lui, il en a trop fait à l’entraînement ces dernières semaines, c’est toujours la même histoire etc… ». La déception mêlée à l’amertume cloisonne les discours dans une forme de pessimisme contagieux, soutenue par la force des habitudes.

Nous verrons comment le niveau de tension d’un individu peut déterminer son comportement. Pour le démontrer, nous évoquerons deux cas tirés de recherches sur le comportementalisme : l’effet « Zeigarnik » et l’expérience de Barker-Dembo. Nous donnerons une représentation générale de l’hypnose. Ces éclaircissements motiveront son utilisation dans le cadre de la gestion du stress en situation de compétition. Ultérieurement, il s’agira d’expliquer comment la transe hypnotique peut amener le compétiteur à contenir la tension qu’il ressent pour réguler ses émotions dans l’action.

LE NIVEAU DE TENSION ET LE COMPORTEMENT
Kurt Lewin (1890-1947) est un psychologue formé à l’école de Berlin. Suite à la montée du nazisme dans son pays d’origine, il a émigré aux États-Unis au début des années 1930. Pour lui, la prise de décision dans l’action est liée à un état de tension particulier. Cet état est conditionné par la représentation qui naît du rapport entre l’individu et son environnement.

Lewin compare l’activité psychique à un champ de forces dynamiques. Des forces internes en recherche d’équilibre chaque fois qu’une personne doit faire preuve d’adaptation pour ajuster son comportement à un contexte incertain. Cet état aboutit à une augmentation de la tension nerveuse. Son intensité est subordonnée à la capacité individuelle de contenance, le fait de prendre en compte des informations perturbantes tout en restant concentré sur l’action en cours de réalisation. L’effet « Zeigarnik » et l’expérience de Barker-Dembo démontrent que la tension nerveuse peut déterminer le comportement d’une personne dans l’action, notamment celui des sportifs en compétition :

 

• L’effet « Zeigarnik » : Le souvenir d’une tâche interrompue laisse plus de traces dans la mémoire que celle qui a été achevée. Bluma Zeigarnik était une élève de Lewin. Elle s’est appuyée sur des recherches faites avec des enfants. Son étude a mis en évidence qu’une tâche terminée entraîne une détente alors que celle qui n’a pas abouti, quelle qu’en soit la raison, reste présente à l’esprit. La pulsion d’achèvement insatisfaite entretient un état de tension sous-jacent et énergivore. Quand un athlète sort d’une période de doute, au cours de laquelle il a été dans l’incapacité de trouver des ressources pour mener à bien ses projets, il a en réserve un cumul de frustrations qui entame considérablement son potentiel énergétique. Dans ce cas, le fait d’insister sur des paramètres objectifs (puissance, vitesse, technicité) en lien direct avec la performance ne change rien à la situation. La méforme correspond à la difficulté de l’individu à comprendre et à exprimer les raisons de son mal être.

• L’expérience de Barker-Dembo : la tension provoquée par une accumulation de frustrations amène un individu à une décharge agressive (verbale, physique) ou à une régression comme l’évitement d’une situation conflictuelle. Ces comportements clivés servent au rétablissement de l’équilibre psychique de la personne. Les exemples sont nombreux dans le sport, où des compétiteurs, sans explication, décident de ne pas prendre le départ d’une course parce qu’ils ne se sentent pas bien. A l’opposé, prenons l’exemple du footballeur qui s’extrait de l’enjeu
du match et abandonne son équipe en commettant des fautes grossières jusqu’à se faire expulser.

Ce qui est perçu dans l’action ramène le compétiteur à des sensations corporelles et à des idées déjà éprouvées dans un contexte similaire. Quand un marathonien perd une course parce qu’il s’est déshydraté à cause de la chaleur, il garde dans la mémoire de son corps une somme d’affects et de représentations négatives. Ce regroupement de traces mnésiques forme une structure qui va parasiter le sportif en provocant des associations d’émotions et de sentiments lorsqu’il retrouve les mêmes conditions climatiques. Le stress cumulé sort l’athlète de sa concentration et provoque des erreurs que s’épargneraient des débutants sur la même distance. Si rien n’est fait pour remédier à cette confusion d’affects et de sentiments, à quelques détails près, il est possible que l’histoire bégaie.

Un peu de calme et de méthode servent à reconstituer le scénario qui a conduit l’athlète à prendre la décision de stopper son effort physique, ou son effort de concentration dans l’action. A partir de l’événement, le préparateur mental, en collaboration avec l’encadrement, demande au compétiteur de dégager les ressentis positifs et négatifs. Ce retour d’expérience (REX) reprend les faits de course et s’intéresse également au cercle relationnel du sportif. Les questionnements qui se sont succédés durant l’épreuve trouvent alors une place dans des souvenirs classés à tête reposée, en hypnose. La transe, qui dégage l’athlète des contraintes qui sont les siennes en conscience ordinaire, lui permet d’identifier clairement ce qui l’a déstabilisé.

A suivre…

Par Laurent Favarel, Mental+Sport


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