Tout sur la préparation mentale d’un sportif (suite et fin)

L'équipe de la rédaction d'Africa Top Sports




Suite et fin de notre dossier consacrée à la préparation mentale d’un sportif de haut niveau. Notre expert en Psychologie, Laurent Favarel vous plonge dans les différentes étapes pour aborder une compétition. Aujourd’hui, l’hypnose.

L’HYPNOSE
La discipline est ancienne. L’hypnose, malgré ses bons résultats dans les branches médicale et sociale, ne fait pas l’unanimité ! Elle a toujours entretenu des résistances. Ces débats résisteront au temps alors que nous n’aurons pas cette longévité. Des hypnotiseurs se réclament de la bonne « chapelle » et sont persuadés dispenser le véritable savoir. L’hypnose tient plus de la communication et de l’habileté du praticien que de la théorie. Souvent, la connaissance n’en est qu’une parmi tant d’autres, et c’est l’hypnotiseur qui apprend le plus de l’hypnotisé. Le contraire est inquiétant, narcissique et phallique à la fois. Pour le comprendre, il suffit de ne pas fragmenter sa pensée à la manière d’un enfant qui pense détenir la vérité, parce qu’il l’a entendu de la bouche de l’un de ses parents. Nul ne contestera que c’est en écoutant ou en observant les adultes que les enfants apprennent à mentir.

Ces précisions faites, il n’est pas envisageable d’imposer une définition de ce que peut-être la transe. Un moment vécu différemment d’un individu à un autre. Comme se plaisait à raconter François Roustang (1), une séance donne l’occasion à une personne de se laisser tomber de la barre fixe à laquelle elle s’accroche depuis toujours. Il est inapproprié de dire du mal de l’hypnose de spectacle ou de rue. Elles ont participé à intéresser, diviser et sensibiliser l’opinion sur les larges possibilités de la discipline. Les spectacles de foire, et ce n’est pas péjoratif, ont encouragé sa propagation. Sans leur existence, Charcot (2), avec qui Freud (3) a appris l’hypnose, ne s’y serait pas intéressé. Précisons que la technique psychanalytique est directement issue de l’hypnose.

Que la transe soit légère ou profonde, sa subjectivité reste entière. Aucune image par résonance magnétique (IRM) n’a réussi à percer le mystère de la formation des idées et des mots qui sont associés à l’activité des différentes zones du cerveau. Nous serons heureux d’une telle avancée, ceci dit ce serait une perte de temps que d’attendre en espérant que la lumière vienne d’ailleurs. Le propre de l’hypnose est l’action et nous en savons suffisamment pour l’employer à bon escient. Dans cet esprit, voyons dès à présent comment prendre en compte les tensions ressenties par l’athlète en compétition.

Si le paragraphe suivant ne cherche pas à présenter une solution indiscutable, il a l’avantage d’être authentique. Paradoxalement, il met en évidence un principe hypnotique qui semble incontournable dans son application : c’est parce qu’un comportement a été pensé, qu’il peut être changé ou optimisé. La transe mène à l’inconscient, une structure qui n’a pas d’existence organique. Elle est un repère imaginé qui nous permet d’expliquer en partie nos comportements répétitifs, et de travailler à leur modification.

L’HYPNOSE POUR APPRENDRE A CONTENIR LES TENSIONS

Le corps fait partie intégrante de la cognition. La focalisation de l’attention sur les sensations corporelles favorise le développement de la transe qui ouvre cet espace communiquant entre le conscient et l’inconscient. L’hypnose rend possible la compréhension de réactions inscrites dans la répétition. Prenons l’exemple de la pulsion alimentaire qui nous amène, sans aucune réflexion, devant le buffet à l’intérieur duquel se trouve la boîte à biscuits. Cette pulsion n’est pas nécessairement déclenchée par la recherche des plaisirs de la bouche mais plus certainement par un agent stressant.

Les idées, les raisonnements naissent de l’expérience. Les émotions et le corps sont en interdépendance, nous pensons grâce aux informations que nous récupérons dans un contexte. L’imagination suit le même trajet que la mémoire. Les souvenirs ne sont pas le retour au passé, mais une reconstitution influencée par l’émoi de l’instant. Les affects du moment présent peuvent alors se confondre avec ceux qui ont été éprouvés auparavant, dans une situation qui présentait des similitudes. Ce croisement créée une confusion qui intensifie la charge émotionnelle d’un athlète avant, pendant et après la compétition.

hypnose-preparation-mentale-sportif

Durant une séance, un praticien entre en relation avec l’hypnotisé en respectant sa culture. Au music-hall, l’hypnotiseur fait la démonstration de son pouvoir de suggestion en imposant des actions. L’hypnose classique, contrairement aux idées reçues, n’est pas dirigiste. Le problème, s’il existe, vient des intentions du praticien et non pas de son courant de pensée ou de ses techniques. Il existe plusieurs phénomènes hypnotiques. Citons les plus connus (4) : la catalepsie, l’analgésie et l’amnésie. C’est parce qu’une personne laisse suffisamment de place à son imagination qu’elle va pouvoir expérimenter un ou plusieurs de ces phénomènes, sans tomber dans le cliché du sommeil somnambulique. Elle est alors dans de bonnes dispositions pour prendre du recul sur ce qu’elle ressent dans un contexte stressant. Le contenu de la séance consistera à différencier les sentiments provenant de l’action, de ceux structurés sur les expériences passées.

L’être humain est une machine à traiter et à classer de l’information. Cette capacité de différenciation s’ancre durablement car elle a été expérimentée en hypnose. La transe a dégagé un passage vers l’inconscient. Comme dans un rêve éveillé, l’individu a fait cohabiter la raison et ses émotions. La finalité est le renforcement de l’équilibre émotionnel du sportif dans les circonstances qui ont été imaginées lorsqu’il était au milieu, dans l’entre-deux, entre veille et sommeil. Il est probable que les certitudes sont à l’origine d’un grand nombre de contre-performances. L’entraînement et le choix des compétitions qui amènent un athlète à son top niveau une année, ne reproduisent
que trop rarement les bénéfices espérés la saison suivante.

Les compétiteurs réguliers n’hésitent pas à intégrer des données nouvelles et variées au lieu de les exclure. Ils se positionnent dans une forme de pensée complexe qui laisse de la place aux questionnements et à l’incertitude. Quand on sait, on est rassuré, ce qui peut amener un individu ou une équipe à se démobiliser, c’est humain ! Étonnamment, le scepticisme habilement contenu favorise les remises en question sans laisser de place à un pessimisme délétère. Là où la plupart des techniques de préparation mentale s’emploient à rassurer les athlètes par l’instauration de routines linéaires, sensées favoriser leur organisation, l’hypnose encourage le sportif à faire avec l’angoisse et l’anxiété qu’il a toujours ressenties. L’intention étant de performer tout en maintenant un niveau de tension correspondant aux enjeux de la compétition. Ce principe aux objectifs pragmatiques privilégie la souplesse et l’audace à toute forme de rigidité.

Dans cet esprit, la transe utilise la tension de la personne pour la placer sur le chemin de l’accomplissement personnel. Elle se distingue de la relaxation qui conduit à la détente ou d’une utilisation erronée de l’imagerie mentale qui vise le dépassement des réelles potentialités de l’athlète. Pour chaque proposition, il est préférable de cesser de penser en équipe et de renoncer aux solutions exclusives.

Par Laurent Favarel, Mental+Sport

1- F.Roustang (1923-2016) est un philosophe français. Ancien jésuite et ancien psychanalyste, il devient hypnothérapeute ;

2- J.M Charcot (1825-1893) est un neurologue français, ses recherches sur l’hypnose ont inspiré S.Freud qui a été un de ses élèves ;

3- S.Freud (1856-1939) est un neurologue autrichien, fondateur de la psychanalyse ;

4- La catalepsie est la suspension complète du mouvement volontaire musculaire (paupières collées en hypnose) – L’analgésie est la diminution ou la suppression de la douleur – L’amnésie en hypnose est la perte temporaire d’un élément mémorisé.

Bibliographie :

 S.Freud, le traitement de l’âme, RFP, 2010/2 (vol 74), Presses universitaires de France ;

 D.Anzieu, J-Y.Marin, « La dynamique des groupes restreints »,éditions Puf, 2003 ;

 D.Anzieu, Le moi-peau, Editions Dunod, 1995.


Articles récents