Cameroun : Le Comité olympique et le ministère des sports en guerre

L'équipe de la rédaction d'Africa Top Sports




Une guerre sourde oppose depuis peu les principales structures en charge du sport. Le ministère des sports et de l’éducation physique veut revoir les prérogatives du comité national olympique et sportif du Cameroun accusé de prendre sa place et de faire son travail. La crise a pris les allures d’une querelle de personnes. Le ministre des sports et de l’éducation physique conteste la légitimité du patron du comité olympique Hamad Kalkaba Malboum. Celui-ci martèle qu’il reste le patron du mouvement olympique camerounais. Chronique d’un bras de fer.          

Rien ne va plus entre le ministère des sports et le comité national olympique et sportif du Cameroun. Les deux entités en charge de la gestion du sport au Cameroun s’affrontent depuis un bon moment. La dernière escarmouche en date étant l’œuvre du ministre camerounais en charge des sports et de l’éducation physique. Dans une correspondance datée du 20 février 2018 Pierre Bidoung Mkpatt indique qu’il ne reconnaît pas Hamad Kalkaba Malboum comme président du Comité national olympique et sportif du Cameroun (Cnosc).  « L’Acnoa  (Association nationale des comités nationaux olympiques d’Afrique) a suspendu le 17 mai 2017, le président du Comité national olympique et sportif du Cameroun  de toutes activités olympiques au niveau africain ». Le triste épisode que rappelle ainsi le patron des sports au Cameroun est un acte de la dernière élection à la tête de l’Acnoa.

Deux jours avant le scrutin, soit le 8 mai 2017, le Camerounais est écarté. Le comité d’urgence réuni ce jour-là à Djibouti lui reproche l’utilisation de fonds offerts par le gouvernement de son pays pour battre campagne et faire le lobbying. Ce qui constitue une entorse au code éthique de l’Acnoa, apprend-t-on.  L’Ivoirien Lassana Palenfo va se retrouver sur un boulevard et remportera l’élection. Mais les choses ne s’arrêtent pas là. Le vainqueur va être suspendu de la présidence de l’Acnoa le 3 novembre 2017 pour manque de transparence dans la diffusion de l’information relative au désistement du comité d’éthique du Comité international olympique (Cio) qui se dira incompétent pour connaitre des litiges au sein de l’Acnoa. L’information ne sera acheminée aux associations nationales que plusieurs mois après l’assemblée élective. Ce qui amène une trentaine d’associations nationales avec à leur tête la présidente du Comité olympique de Djibouti Aicha Garad à exiger une assemblée générale extraordinaire à Prague en République Tchèque. Les irrégularités lors de l’élection à la présidence de l’Acnoa sont à l’ordre du jour.

Hamad Kalkaba Malboum au cœur de la controverse 

L’assemblée générale décide qu’une autre élection sera organisée si le colonel Kalkaba obtient gain de cause dans le recours formulé au Tribunal arbitral du sport. C’est là-bas que  Kalkaba conteste son exclusion de l’élection de mai 2017. La suspension de Lassana Palenfo lui fait croire que la sienne s’annule automatiquement et que certains faits montrent qu’il reste le patron du Comité national olympique et sportif du Cameroun. « Je n’ai pas été suspendu de la présidence du Cnosc. Je continue de participer à toutes les manifestations sportives pour lesquelles j’ai été élu. J’ai dernièrement représenté le Cameroun à l’assemblée générale de l’Association des comités nationaux olympiques, à celle de l’Acnoa. J’ai dirigé le congrès de la Confédération africaine d’athlétisme lors de son Congrès au Maroc, j’étais au congrès de la Fédération internationale d’athlétisme à Londres. En novembre dernier, en Arabie saoudite, j’ai été élu premier vice-président de la Fédération sportive pour la solidarité islamique. Je reçois jusqu’à présent le courrier du Comité international olympique en ma qualité de président du Cnosc », déclarait-il le 20 décembre 2017 dans les colonnes du quotidien gouvernemental camerounais Cameroon tribune.

La dernière sortie du ministre des sports au sujet de Kalkaba Malboum n’est pas son premier acte d’hostilité envers l’officier supérieur de l’armée camerounaise. En décembre 2017, il décide de ne pas le convier  à la finale de la Coupe du Cameroun de football. Le ministre va boycotter la cérémonie d’installation des nouveaux responsables de la Chambre de conciliation et d’arbitrage du Comité national olympique et sportif du Cameroun le 17 janvier 2018.  Tout ceci est la conséquence du bras de fer qu’ont engagé le ministère des sports  et le Comité olympique que dirige Kalkaba Malboum. Depuis son retour au ministère en charge des sports Pierre Ismael Bidoung Mkpatt s’est  lancé dans une œuvre d’ « amélioration de la gouvernance sportive ».

kalkaba

Le comité national olympique,  « un ministère des sports bis »

L’un des objectifs qu’il s’est fixés est la réduction de l’influence et des compétences du Cnosc. Car accusé d’être une entité autonome qui est au-dessus du ministère des sports, qui n’a aucun compte à lui rendre. Ce qui fait dire à un fonctionnaire du ministère que c’est « un ministère des sports bis » à qui tous les présidents de fédérations, les professeurs d’universités, les fonctionnaires du Minsep font allégeance. Il est accusé de « siphonner »  toute la substance des prérogatives dévolues au Minsep.  Et aussi qu’il ne lui revient pas de s’occuper de compétitions comme les Jeux du Commonwealth, de la Francophonie et de la solidarité islamique. « Ces choses doivent être gérées par les Etats. Le Comité national olympique ne doit s’occuper que des  Jeux Olympiques  et des Jeux olympiques de la jeunesse », réagit un responsable du ministère des sports et de l’éducation physique.  Il dénie au Cnosc le droit  d’organiser des compétitions. D’ailleurs, argumente-t-il, les dernières éditions des Dixiades, les Jeux nationaux du Cameroun, ont  été mal  faites.

Le ministère de sports pointe aussi une certaine boulimie financière chez  Kalkaba et Cie.  Le Cnosc est accusé d’avoir fait financer par plusieurs sources la participation du Cameroun aux Jeux de la Francophonie et du Commonwealth depuis quelques éditions. « L’Etat du Cameroun finance, le Commonwealth aussi.  Ils mettent le surplus reçu dans la poche. Le ministre a découvert le pot-aux-roses  et demandé des comptes », assure notre interlocuteur.  Au Cnosc, l’on répond à ces accusations par le silence. Joint au téléphone le responsable de la communication Emmanuel Tataw répond : « Ils ont des griefs contre nous. Ils nous accusent de détournements. Qu’ils aillent au tribunal ».  

On ne peut pas dire que cette situation de bras de fer était prévisible. A l’occasion de sa première prise de contact avec le comité national olympique et sportif, le ministre des sports nouvellement nommé s’était vu promettre le soutien de  cette instance. « Par la voix du Président, le Cnosc a exprimé sa disponibilité à soutenir l’action du ministre des sports et de l’éducation physique dans un esprit de collaboration. Un soutien que le comité propose à travers la mise à disposition de son expertise et de son réseau relationnel dans le cadre de l’Organisation des Coupes d’Afrique des Nations 2016 et 2019 au Cameroun. Le Président Hamad Kalkaba Malboum a par ailleurs sollicité l’appui du Ministre Bidoung Mkpatt dans la mise en œuvre des projets majeurs du Cnosc : Jeux Nationaux d’Ebolowa 2016, Jeux Olympiques de Rio 2016 et la Construction de la Cité Olympique d’Obala. Le ministre des sports et de l’éducation physique a également plaidé pour une franche collaboration entre son département ministériel et le Cnosc. Il a déclaré à ce sujet que sa porte serait toujours ouverte pour toute discussion sur le développement du sport camerounais », pouvait-on lire dans un compte-rendu publié sur le site Internet du comité olympique camerounais. Comme on le voit beaucoup d’eau a coulé sous les ponts…

Pierre Arnaud Ntchapda

 

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