[exclu] Tom Saintfiet : « Je veux aller à la Coupe du monde avec la Gambie »



Quelques semaines après avoir qualifié la Gambie pour la première Coupe d’Afrique des Nations de son histoire, Tom Saintfiet nous a accordé une interview exclusive. Le technicien belge revient sur le parcours des Scorpions, leurs ambitions à la CAN 2022, l’affaire des Gabonais, à l’aéroport de Banjul…

Le sélectionneur, récemment prolongé à la tête de la sélection gambienne confie également son grand rêve de qualifier le pays à la Coupe du monde

Africa Top Sports : Vous étiez logés dans le groupe du Gabon, de la RD Congo et de l’Angola, est-ce qu’à l’issue du tirage du sort, vous aviez cru en votre chance de qualification ?

Tom Saintfiet : Après le tirage au sort, notre groupe était très difficile à jouer. Avec Gabon, RD Congo, Angola ce n’était pas un groupe facile. Il ne faut pas oublier que la Gambie a joué les préliminaires contre Djibouti. Parce que la Gambie figure parmi les 8 pays les mal classés en Afrique, selon le classement de la FIFA. Quand je suis arrivé en Gambie nous étions 172e au classement, c’est-à-dire qu’il y a seulement 38 pays au monde qui sont plus mauvais que la Gambie. Mais on a créé un groupe très fort.

On a commencé en juillet 2018. On a joué quelques bons matchs dans le même groupe avec le Togo, l’Algérie, le Bénin. On a gagné contre le Bénin, deux matchs nuls contre l’Algérie un match nul contre le Togo. Ce sont des bons résultats pour un pays qui n’a gagné qu’un seul match entre 2013 et 2018. Pour la CAN 2021, c’était un tirage compliqué avec des pays qui sont tout le temps qualifiés pour la CAN. La RD Congo c’est un des plus grands pays africains de football avec le championnat local très fort et beaucoup de joueurs en Europe. De même pour le Gabon et l’Angola. Au début j’étais confiant parce qu’on avait une très bonne équipe. Mais peu de personnes pouvaient penser qu’on avait une chance de se qualifier.

Vous avez joué votre premier match contre une sélection qui n’est pas favorite dans votre groupe, l’Angola, une rencontre d’ailleurs remportée à l’extérieur. Est-ce que cette victoire vous a mis en confiance ?

Notre premier match, c’était contre l’Angola. Match très difficile parce que mes joueurs évoluent en Europe et on a voyagé lundi pour jouer un mercredi. On a gagné là-bas (1-3), c’était un miracle. Parce que la Gambie n’avait jamais gagné un match de compétition à l’extérieur. Cette victoire a donné beaucoup de confiance. C’était le match le plus important non seulement pour les 3 points mais également psychologiquement. Les joueurs se sont rendu compte qu’ils ont écrit une petite histoire pour leur pays et cela montre qu’on peut encore écrire plus.

Ensuite vous avez affronté la RD Congo puis le Gabon, quel est le match qui vous a semblé difficile?

Pour moi il n’y a pas un match plus difficile que l’autre parce que j’ai du respect pour les trois pays. L’Angola a joué aussi la dernière CAN, la RD Congo est pour moi un des pays les plus forts en Afrique. Avec des clubs comme TP Mazembe, AS Vita Club, un championnat très fort et beaucoup de joueurs en Europe, je ne peux pas comprendre pourquoi la RDC n’est pas championne d’Afrique ces derniers 10 ans. Je ne comprends pas aussi pourquoi la RD Congo ne se qualifie pas pour la Coupe du monde. Le Gabon avec des joueurs comme Bouanga, Aubameyang, c’est une équipe avec de grandes stars. Il n’y a pas eu de match facile pour nous. On n’a pas eu peur des équipes mais on a respecté tout le monde.

Contre le Gabon, il y a du bruit autour de leur voyage sur la terre gambienne, quel commentaire faites-vous de leur réclamation ?

Quand une équipe arrive dans la nuit à 23 H 30, la veille d’un match, ce n’est naturellement pas une bonne organisation. Quand tu voyages tu sais qu’il peut avoir des problèmes avec le vol, le passeport, le test Covid. Tout peut arriver quand on voyage. Nous on est allé deux, trois jours au Gabon avant le match. On a fait la même chose au Congo. Dans cette situation de Covid, on doit respecter les règles d’un pays et aussi les règles médicales. Pour moi la santé des joueurs, du staff, du peuple est la priorité. On a fait des tests Covid au Gabon, au Congo sans problème. On n’a pas eu de doutes sur le personnel médical de ce pays.

Nous sommes des joueurs, nous ne sommes pas des médecins. Je me suis demandé pourquoi le Gabon arrive dans la nuit juste avant un match prévu pour l’après-midi à 16h. Pour moi, c’est un peu rare dans l’organisation. Et qu’est-ce qui s’est passé à l’aéroport ? Je ne sais pas. Quand nous voyageons on est prêt à tout. On prend un temps pour arriver, pour relaxer, pour s’entraîner. On sait que ce n’est pas facile de voyager en Afrique. Je respecte toujours chaque pays. Chaque pays a sa méthode de contrôle des passeports et son contrôle Covid. C’est une pandémie et on doit respecter. Le football n’est pas plus important que la pandémie.

La Gambie est qualifiée à la CAN 2022, quels sont les facteurs qui ont permis d’arriver à ce résultat positif ?

Quand j’ai commencé en Gambie en juillet 2018, la Gambie n’avait gagné qu’un seul match de compétition en 5 ans (2013- 2018). La Gambie n’avait gagné en 10 ans (2008-2018) que 9 matchs au total en compétition et en amical. Mais en seulement près de 3 ans, on a gagné 8 matchs et réussi 5 matchs nuls. On a gagné par exemple le Maroc, Angola par deux fois, Congo Brazzaville, Bénin, Gabon, Guinée Conakry. On a joué contre beaucoup de grands pays en Afrique et on a toujours eu de bons résultats. Ça montre qu’on est en train de progresser.

Quand je suis arrivé, j’ai changé l’organisation dans l’équipe, dans le staff. J’ai eu un bon team manager qui est très important pour l’équipe, mais aussi un très bon staff technique et médical. On a deux Kinés belges qui aident l’équipe. On a sélectionné d’autres équipes. En presque 3 ans, 24 joueurs ont fait leurs débuts. J’ai créé une nouvelle équipe. On a eu directement des résultats. Quand tu crées une nouvelle équipe, tu as besoin de résultats. Tu ne peux pas dire que tu as créé une nouvelle équipe et tu perds chaque match. Mais sans l’aide de mon staff, du président de la fédération, de toute la fédération qui a fait tout pour l’équipe nationale et aussi du ministre des sports ce ne serait pas possible. On l’a fait ensemble, avec tout le peuple. Quand j’ai signé le contrat j’ai dit c’est possible de se qualifier. En 69 ans, la Gambie ne s’est jamais qualifiée. Tout le monde a dit que ce n’était pas possible. Mais on l’a fait, ensemble.

A la CAN 2022, quels sont vos objectifs ?

On n’a jamais joué ce tournoi. On ne sait pas dans quel groupe nous serons. On ne connait pas la situation des blessures et de Covid. Pour nous, ce sera une expérience. Nous avons de l’ambition. Comme entraineur, je veux gagner chaque match. Je sais que ce n’est pas possible, mais c’est l’ambition avant chaque match. On a gagné beaucoup de matchs contre de grands pays. On a joué le Maroc, l’Algérie, Angola, Guinée, le Gabon, Bénin, tous des pays qui sont toujours à la CAN. On a eu de bons résultats. Donc, on ne doit pas avoir peur d’un adversaire mais on doit les respecter. On va aller pour étudier, pour être mieux.

J’ai signé aussi un contrat jusqu’en 2026, parce que je veux stabiliser ce niveau et essayer de progresser. C’est vrai que c’est la première fois que la Gambie se qualifie pour la CAN, on veut que ce ne soit pas la dernière fois. Il faut construire les automatismes qui peuvent aider à se qualifier à plusieurs reprises. Je ne dis pas tout le temps mais fréquemment. Mon objectif c’est de créer une équipe stable, capable de se qualifier plusieurs fois pour la CAN. Et le grand rêve c’est de se qualifier pour la Coupe du monde 2026. C’est la grande ambition. C’est la raison pour laquelle je suis sélectionneur. Je veux aller en Coupe du monde. On a une jeune équipe, beaucoup de joueurs entre 18 et 23 ans. Dans les prochaines années, ils seront encore plus expérimentés. Avec plus d’automatismes dans le futur nous serons plus forts.

Parlez-nous de votre récente prolongation à la tête de la sélection gambienne

Dans les médias, cela a été officiel après notre qualification en mars, mais en réalité j’ai signé le contrat en janvier parce que je suis heureux en Gambie. La Gambie est un pays qui aime le football et je suis très content de travailler là-bas. J’ai travaillé avec beaucoup de pays dans un contrat court. J’ai commencé avec un contrat de 9 mois en Gambie en 2018. Directement on a eu de bons résultats dans le même groupe que le Togo. Après j’ai signé un contrat pour deux ans, nous avons beaucoup progressé. Maintenant nous sommes qualifiés et je pense qu’il y a un grand avenir pour cette équipe.

On peut être mieux. C’est seulement le début de la Gambie. La Gambie peut faire quelque chose d’incroyable dans les prochains 10 ans. Il y a beaucoup de jeunes joueurs aussi. L’équipe des moins de 20 ans qui est 3e à la CAN, ça dit qu’il y a beaucoup de talents. J’espère qu’on pourra faire évoluer l’équipe et aussi que les joueurs vont progresser en Europe. On peut utiliser l’expérience de notre première CAN pour être mieux. Je veux aller à la coupe du monde. C’est possible en 2026 avec une équipe plus expérimentée dans quelques années. C’est la raison de la prolongation du contrat.


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