Deuil : Mebounou Clément Kpadé, un double capitaine…malheureusement mal récompensé



Mebounou Clément Kpadé, capitaine emblématique de l’Etoile Filante de Lomé et de l’équipe nationale du Togo, a tiré sa révérence le 22  septembre 2021. Un mois à peine, avant d’atteindre ses 76 ans, en ce mois d’octobre. « La mort…», disait Albert Einstein, prix Nobel de physique de l’an 1921, « …n’est pas la pire chose de la vie. Le pire, c’est ce qui meurt en nous quand on vit ». Il serait donc, regrettable que tant d’œuvres et d’images, de cet illustre disparu aient pu réaliser en tant que joueur, capitaine, entraineur et homme tout simplement, soient un jour effacées de la mémoire des Togolais et de ses dirigeants…

Et puis, qui peut oser dire ou écrire que Kpadé, avait obtenu ce que méritait réellement le quart de la récompense au moins, que sa carrière avait méritée ? Dans le football togolais, son nom et sa personne, devaient être directement liés aux notions d’intelligence, de savoir et de bravoure du milieu défensif qu’il était. Et à juste titre ! L’ancien capitaine de l’Etoile Filante de Lomé qu’il a conduite, en finale de la Coupe d’Afrique des clubs champions en 1969, doublé de ce capitaine que le Onze National du Togo, était lors de la phase finale de la CAN 1972, était loin de susciter le respect des autorités de son pays.

Des témoignages désolants d’anciens coéquipiers, sur l’Etoile Filante son club

Il faudrait, pour sa mémoire, ressusciter certains fâcheux souvenirs de sa vie de footballeur. En l’occurrence, sa participation à la finale, atteinte en Coupe d’Afrique des clubs champions, par son club de cœur, les Bleus. Le champion du Togo, à cette époque (1967-68), était loin d’être dans le cœur des autorités politiques du pays. Et pour une finale aller que devait accueillir, le Tout-Puissant Englebert de Lubumbashi du Zaïre, un dimanche, l’Etoile Filante de Lomé, devait rallier Kinshasa, l’aube du matin, à 02h. L’international togolais, Tommy Sylvestre, portier du Shooting Star, en avait fait le témoignage seulement en novembre 2019, sur une radio de la capitale.  Morceaux choisis, « le départ de l’équipe à Kinshasa pour Cotonou à 16h…reliant Douala, puis Brazzaville…il était jour. En bateau de fortune, pour Kinshasa… Affamés et fatigués ! Un véritable calvaire qui a fini par mettre Kaolo, en syncope, à Cotonou.

Le témoignage similaire est de son ancien coéquipier de club, Robot II : « Kpadé était désemparé comme les autres. Départ en retard, d’un avion raté… Il fallait attendre le retour du nouveau vol. Finalement, l’ensemble de quoi se restaurer les joueurs, était déjà gâté. Pour nous remonter, rien que de coca cola et rien et plus rien ! Avant Douala, affamés… Le résultat, 5-0 ce fut comme un surpassement des joueurs ». Ce refrain, et tel un texte bien repris par le défenseur Gilbert Ephoévi Ga alias Robot II de cette finale, nous l’avait proprement et fidèlement raconté, mardi dernier, sans ambages. Et si au lieu de rendre hommages au double capitaine de l’Etoile Filante de Lomé et du Onze National du Togo, on ne peut passer sans retenir pour la postérité, ce que son jeune frère, Cyprien Mebounou, en ce temps douloureux, retient de l’illustre disparu.

Un mémoire d’un jeune frère nommé Cyprien qui fend le cœur et émeut

C’est si empoignant et entièrement bouleversant que ces lignes ne peuvent que susciter de chaudes larmes, difficiles à retenir, ce mémoire succin adressé à l’intention de son frère ainé, Mebounou Kpadé : « Enfant, j’ai grandi dans notre maison familiale avec Kpadé. Maison situé à Wétrivicondji, juste derrière la Pharmacie des Étoiles. (située au quartier des Etoiles)… L’homme se présentait sous un trait de personnage sévère. Et quand on l’approche de plus près, on se rend compte rapidement que c’est une forme de timidité, de discrétion, et d’humilité. Il était très pointu, très soigneux et très rigoureux sur tout ce qu’il fait. Ce qui se reflétait sur le terrain comme un meneur d’hommes, respectueux de ses partenaires ».

Une anecdote qui a marqué ce jeune frère Cyprien, parti à l’âge de 12 ans, à l’internat à Togoville chez les Frères Religieux : « Pendant les congés, je ramenais un livret de cantiques de chants à la maison. Dès fois, quand ma main tombe sur le livret, je commençais à chanter à voix basse 2 ou 3 chants dans l’intimité de ma chambre. Au fur et mesure je finissais à tue-tête. Un jour Kpadé m’a appelé pour me demander de lui donner le ton d’un chant qu’il avait aimé. Je me suis rendu compte que j’étais écouté. Et comme il ne parvenait pas à me donner les mots du chant, j’ai été cherché le livret. J’ai commencé à lui donner les tons jusqu’à ce qu’on tombe sur ce qu’il cherchait. Nous avions fini tous chants du livret à haute voix dans la maisonnée. »

On peut donc comprendre que ce n’était pas, par pur hasard que l’ancien double capitaine du Shooting Star et de l’équipe nationale du Togo, en avait à en revendre, ces mille et une chansons louant son Seigneur et Dieu omnipotent, durant sa carrière de footballeur. Une carrière, entamée au sein du club Etoile de Mer, de son quartier Wetrivicondji, tout petit-jeune. Il s’était retrouvé naturellement, à l’Etoile Filante de Lomé, son club de cœur qu’il eut à servir et dont il a été capitaine, puis entraineur tout comme l’avait été, son mentor Oscar Anthony. Sous ce grand et emblématique autre illustre personnage décédé, Kpadé avait fait l’école du sérieux, de la rigueur, de la discipline et du vrai football, aux côtés des Adjévi Gabriel da Silvera, Eza Lawson, Julien Cadiri, Albert Alomakpé, tous enfouis dans l’ombre. Et d’autres vivants, comme Tommy Sylvestre et Gilbert Ephoévi Ga Robot II, dont on retient aujourd’hui, l’histoire d’un capitaine capable qu’était Mebounou Clément Kpadé. Il était coach des Aiglons et aussi de l’Etoile Filante. Autrement dit, les Bleus, son éternel  choix sportif.

Mebounou Clément Kpadé sera inhumé ce samedi 16 octobre 2021, à la suite d’une veillée de prières à l’Eglise Saints Martyrs de l’Ouganda de Tokoin Séminaire, à partir de 16h. Dimanche 17 octobre, se tiendra une messe d’action de grâce au Sanctuaire du Très Saint Sacrement d’Awatamé, à partir de 09h 30.

Yves de Fréau


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