[Exclu] : « Le football haïtien est dans l’abîme », l’entraineur Jimmy Jeoboam alerte !

Jimmy Jeoboam, entraineur haïtien


Quel avenir pour le football en Haïti ? Suspension à vie du président de la fédération, absence de championnat depuis 3 ans, prolongation du mandat du comité de normalisation, difficile d’entrevoir un avenir radieux pour le football en Haïti si rien n’est fait. Dans une interview qu’il nous a accordé, Jimmy Jeoboam, entraîneur haïtien, œuvrant en Europe tire la sonnette d’alarme.

Ancien joueur de Fribourg (Suisse), Paris FC, Louhans-Cuiseaux( France), Jimmy Jeoboam a également été international haïtien avant de passer ses diplômes d’entraineur. Titulaire d’une licence de l’UEFA A, il est éducateur sportif et co-fondateur de l’association Kampos saint Denis Academy football spécialisée dans l’insertion professionnelle des jeunes footballeurs africains.

Responsable U20 élite et de la réserve au Racing Club de France et Vice-président de l’association des entraîneurs haïtiens de football, c’est donc à juste titre et avec un œil d’expert que Jimmy Jeoboam suit l’évolution de l’actualité liée au football dans son pays.

Africa Top Sports : Vous suivez constamment l’actualité du football haïtien, comment décrivez-vous l’état actuel du football en Haïti ?

Jimmy Jeoboam : Je suis attristé de pouvoir répondre à cette question. Aujourd’hui le football haïtien est dans l’abîme car depuis plus de trois ans le football est à l’arrêt sur tout le territoire national, il faut savoir que la fédération haïtienne de football est la première fédération d’une république noire affiliée à la FIFA depuis 1904. Haïti et le Congo ont été le deux premiers pays noirs qui ont été qualifiés à une phase finale de coupe du monde FIFA (74).

Malheureusement au moment où je réponds à vos questions Haïti est le seul pays membre sur cette planète qui n’a pas de championnat national depuis 3 ans. Même dans les périodes le plus difficiles de notre histoire, le championnat national de football n’a jamais été arrêté. C’est vraiment dramatique pour toute une génération de joueurs et de joueuses.

Jimmy Jeoboam, entraineur haïtien

Jimmy Jeoboam, technicien haïtien

ATS : Quelle est votre lecture du scandale sur les agressions sexuelles qui a éclaboussé l’ancien président de la fédération ?

Vous pouvez ignorer la réalité, mais vous ne pouvez pas ignorer les conséquences. L’image de notre pays à été écornée à l’international. Dadou est une médiathèque nationale sur le plan footballistique. C’est la personnalité dans de la zone de la Concacaf qui connaît le mieux le football féminin et masculin.

Malheureusement, la société haïtienne est malade à cause d’un manque d’éducation et d’humanisme.

Les jeunes haïtiens les mieux éduqués quittent le pays chaque mois par centaines. La société haïtienne a besoin d’une prise de conscience à l’égard des femmes. Nous devons mettre la femme au centre de notre projet de développement. Nous devons changer notre comportement à l’égard la femme, car la femme n’est pas notre propriété privée. Nous devons apprendre à respecter le NON de la femme dans notre pays.

Les petites filles haïtiennes doivent être protégées par la constitution haïtienne. L’Etat haïtien doit être capable de prendre ses responsabilités pour pouvoir protéger les enfants haïtiens sans  distinction avec la plus grande fermeté.

ATS : Quel a été selon vous l’impact de cette affaire dans le développement de la discipline dans le pays ?

Cette affaire est un drame pour le football haïtien. Sur le plan social, éducatif, économique et surtout sur le plan sportif. Nos jeunes joueuses qui sont des meilleures dans toutes les catégories des jeunes dans la zone de la Concacaf ne pratiquent plus le football au quotidien car le Centre Fifa Goal de la Croix des Bouquets est fermé depuis 3 ans. Toutes nos équipes des jeunes filles comme garçons ont été éliminées de leurs compétitions respectives.

Notre équipe nationale féminine des u20 a été éliminée par forfait des qualifications de la coupe du monde de sa catégorie d’âge.

L’offre de la pratique du football a considérablement baissé et le football haïtien a perdu son l’attractivité malgré la qualification de l’équipe nationale senior féminine pour la Coupe du monde 2023 en Nouvelle-Zélande.

ATS : Jean Jacques Pierre n’est plus sélectionneur national. Gabriel Calderon Pellegrino, actuel conseiller technique à la FHF, assume l’intérim. Quelle lecture faites vous de ces changements. Quel devrait selon vous être le profil du futur sélectionneur ?

Jean Jacques Pierre est un patriote, il est arrivé à la tête de la sélection nationale haïtienne après sa magnifique carrière de joueur professionnel en Europe.

Il est arrivé dans une période vraiment difficile à la tête de l’équipe première, Il a remplacé un entraîneur très expérimenté, Marc Collat qui à ramené pour la première de notre histoire l’équipe nationale haïtienne de football en demi-finale de la Gold Cup en 2019.

Malgré sa bonne volonté il n’a pas puis qualifié l’équipe pour la coupe du monde 2022 au Qatar.
Mais il a su trouver les ressources nécessaires pour ramener Haïti en ligue A de la ligue des nations de la Concacaf et par la même occasion qualifier l’équipe nationale pour la Gold-Cup 2023.

Son bilan à la tête de l’équipe nationale est honorable sur le plan comptable mais le projet de jeu n’a pas été clair et bien défini. Son équipe n’avait pas une identité adaptées aux différents profils des joueurs

En revanche notre pays a besoin son expérience et de savoir-faire pour son présent et pour son futur proche car c’est un magnifique éducateur. Je profite l’occasion pour lui souhaiter toutes les bonnes choses du monde. C’est un grand frère que j’aime beaucoup nous sommes nés dans la même ville (Léogâne, ndlr).

Je ne pourrais pas donner mon avis sur Gabriel Calderon Pellegrino car ses travaux en tant que entraîneur de football sont référencées de nuls part ici en Europe. Il a été nommé conseiller technique national par la FIFA. Il n’a jamais organisé des actions concrètes pour la fédération haïtienne de football depuis 2ans. Il n’a organisé aucune manifestation avec les éducateurs haïtiens.
Nous n’avons aucune idée de son plan d’action et surtout de ses moyens d’action pour le football haïtien.

Je suis un amoureux du football argentin. Je connais le papa de Pellegrino qui a été footballeur professionnel argentin il a été aussi un ami très proche de l’ancien président de la fédération argentine de football Julio Humberto Grondona.

Pour le futur sélectionneur national, je pense que notre pays a besoin d’un éducateur jeune passionné, humble, compétant et surtout très créatif.

ATS : Le 11 novembre 2022, le Bureau du Conseil de la FIFA a décidé de prolonger le mandat du comité de normalisation de la Fédération Haïtienne de Football (FHF) jusqu’au 30 novembre 2023 au plus tard. Est-ce que vous pensez que le processus qui est en court a de fortes chances d’apporter un impact positif ?

J’aimerais vous répondre oui ! Mais malheureusement aucun protagoniste à la tête du comité de normalisation n’a la connaissance nécessaire pour pouvoir réussir la mission qui a été fixée par la FIFA.

ATS : Quels sont les plus grands défis auxquels la Fédération Haïtienne de Football (FHF) est confrontée aujourd’hui ?

Premièrement, la fédération haïtienne de football a un problème de créativité et de la compétence au sein du bureau fédéral.

Deuxièmement, le football haïtien est divisé depuis 40ans par quatre : Les pro Dadou jean Bart ex président de la fédération, les pro Patrice Dumond ex sénateur de la république, les pro Evans Lescouflair ex ministre des sports, pour finir les clubs affiliés qui sont sur l’assistanats de la fédération.

ATS : Comment entrevoyez-vous l’avenir du football dans le pays ?

L’homme haïtien a besoin de reconnaître ses erreurs pour construire un nouveau système sportif qui garantira l’avenir de la jeunesse haïtienne sur la continuité : politique sportive fédérale, état généraux du sport, inscription les droits du sport dans la nouvelle constitution haïtienne.

ATS : Jimmy Jeoboam, selon vous, de quoi le football haïtien a-t-il besoin pour progresser ?

La folie, c’est de refaire la même chose et d’en attendre un résultat différent. Nous devons faire un état de lieu du football haïtien avec les acteurs locaux. Nous devons prendre le temps nécessaire pour faire un très bon diagnostic et par la suite proposer des hypothèses d’actions pour résoudre les problèmes évoqués au début de notre entretien et ensuite essayer développer notre potentiel.

Premièrement, le football haïtien a besoin un cursus de formation professionnelle pour les éducateurs haïtiens bien adaptés à notre environnement social, éducatif et économique. Deuxièmement la pré-formation et la formation doivent être notre priorité principales.  Troisièmement la décentralisation du football haïtien. Chaque région doit être capable de gérer sa ligue de football.

Pour finir l’Etat haïtien doit prendre sa responsabilité pour garantir la sécurité à la pratique du football sur tout le territoire national, en construisant des matériels pédagogiques adaptés aux sports de haut niveau.


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