[INTERVIEW EXCLU] / Guy Bukasa : « L’efficacité est ce qui résume mon approche du football »

Journaliste à Africa Top Sports Premier portail sportif Africain https://www.africatopsports.com




A seulement 37 ans, Guy Bukasa Misakabu peut se réjouir de son brillant parcours d’entraîneur en dépit de son jeune âge. De la RD Congo, son pays, au Rwanda, en passant par la Tunisie, l’actuel sélectionneur principal des U20/U21 de la RDC surprend par son coaching et ses méthodes qui lui permettent d’engranger de bons résultats avec ses équipes. Egalement entraîneur de l’AS Kigali où il a été appelé en renfort en décembre 2023, le coach congolais affiche des résultats satisfaisants avec le club rwandais qui est passé du bas au milieu de tableau. Dans cette interview exclusive accordée à Africa Top Sports, Guy Bukasa revient sur son parcours aussi bien en club qu’en sélection. Il évoque ses méthodes de travail, son style d’entraînement, les principes et valeurs qui guident son approche sur le terrain, ainsi que son ambition de soulever désormais des trophées majeurs.

 

Africa Top Sports : Vous êtes actuellement entraîneur de l’Association Sportive de Kigali (AS Kigali), club de première division rwandaise. Avant d’évoquer votre actualité avec cette formation, faisons un petit retour en arrière. Qu’est-ce qui vous a conduit à devenir entraîneur aussi jeune ?

Guy Bukasa : Au départ j’étais footballeur au sein de l’US AMAZONE à Kinshasa Lukunga, puis j’ai tenté une aventure chez les Diables noirs au Congo voisin avant de me rendre en Afrique du Sud. Malheureusement, en tant que footballeur, j’étais buté au refus parental. Pour mes parents, je devais absolument finir mes études universitaires avant d’envisager autres choses. J’ai tenté de jouer en cachette mais comme vous le savez, sans la bénédiction des parents c’est bien difficile, alors je me suis incliné et j’ai foncé avec l’université et j’ai pu finir en Economie internationale, puis très vite j’ai entamé mes formations d’entraineur afin de vivre ma passion autrement. Je bénis Dieu parce que nous grandissons et apprenons chaque jour.

Guy Bukasa lors d’une séance d’entraînement avec l’AS Kigali

RD Congo, votre pays, Rwanda, puis Tunisie, au moins trois pays parcourus sous diverses casquettes malgré votre jeunesse dans le cadre de votre travail. Pouvez-vous nous parler un peu de votre parcours ?

Parcours assez difficile et plein des risques que nombreux ignorent. Gloire soit rendue à Dieu car nous progressons par sa grâce. Tout commence par une académie privée que je crée en 2008 pour permettre aux jeunes d’éviter le décrochage scolaire bien que pratiquant le football, car c’est courant chez nous, les footballeurs sont rarement scolarisés. Mais je me casse les dents parce que mon petit salaire de l’époque [je travaillais pour une société de télécom] était totalement destiné à la survie de cette académie. Entre maillots, location du Shark club, transport des joueurs et frais administratifs, le foot me prenait tout. Finalement j’affilie la structure en D3 et ce sont mes débuts en championnat officiel. De là je suis approché par un club d’élite EPFKIN le TP Santos pour tenter de sauver l’équipe qui était relégable, j’ai accepté et on a pu maintenir l’équipe, et dans la foulée le RSC Anderlecht se propose en partenaire pour mon projet avec les jeunes et ils financent le club. Grâce à cet appui, on crée le Royal Sporting Club Kinshasa. Nous faisions jouer des jeunes de 16, 17 ans en Elites, on a pu avec ces jeunes gagner la super coupe de lukunga en 2015, puis la médaille d’argent de la super coupe de KINSHASA la même année. Et de là je suis parti comme Adjoint à l’US Tshinkunku. Après le départ du coach, je suis resté en intérim et on a pu remporter le championnat provincial 2016. Puis commence mon aventure en LINAFOOT D1 RDC avec l’AS Dauphin Noir puis l’AS Nyuki que je conduis en Coupe des confédérations africaine. On a pu créer la surprise en éliminant Al Ahly Shandi du Soudan avant de buter en barrage sur un solide Petro Athletico de Luanda (1-0 en Angola, 0-1 A Kinshasa). La même année nous terminons 6e du championnat et équipe Révélation en RDC.

C’est ainsi que je me suis vu approcher par plusieurs clubs dans la région compte tenu de la proximité de mon lieu de travail, GOMA, avec des villes comme Bujumbura, Kigali, Kampala. Pour ma jeune carrière, entrainer à l’extérieur du pays était bénéfique, j’ai donc accepté l’offre de Gasogi UTD et on a fini Révélation de la saison pour sa première participation en D1. De là, Rayon Sport FC m’appelle, ce que j’ai accepté. Malheureusement, la Covid s’invite pour rendre la saison irrégulière et difficile financièrement.

Toujours en quête de différentes expériences pouvant me faire progresser j’accepte l’offre de l’AS LA MARSA en Tunisie comme adjoint, honnêtement j’ai beaucoup appris, une autre façon de vivre le football, une mentalité bien différente bref un football bien différent qui me permet d’améliorer ma conception de cette discipline.

Revenons justement à l’AS Kigali, club phare du championnat de première division rwandaise où vous avez signé depuis fin décembre 2023 en tant qu’entraîneur principal. Pourquoi avoir choisi de retourner au Rwanda après y avoir déjà entraîné Gasogi United et Rayon Sports ? Vous aviez sans nul doute d’autres opportunités non ?

Lorsque les dirigeants de l’AS KIGALI m’ont fait la proposition alors que l’équipe occupait l’avant dernière place du championnat, humainement c’était difficile, parce que la mission était quasi impossible, mais j’ai pris le temps de prier et le Seigneur et j’ai accepté la proposition du club.

Comment est-ce que les choses se passent avec l’AS Kigali ?

Les choses se passent bien. 9 matchs joués, 6 victoires, 2 défaites, 1 nul, et on a sur les 9 matchs fait 6 matchs sans prendre de buts, donc l’équipe a progressé dans un secteur où elle peinait. On est donc passée de 15e  à  6e, c’est plutôt positif et on espère bien finir la saison.

Vous avez repris en janvier dernier un club sans nul doute en difficulté. Actuellement vous êtes sixième au classement du championnat avec 34 points, mais bien loin du leader qui en a 58. Quels ont été vos principaux défis jusqu’à présent et quelles sont vos ambitions pour l’AS Kigali ?

En termes de défis, il fallait absolument quitter la zone de relégation. Les joueurs étaient un peu déboussolés et il fallait trouver les mots justes, DIEU merci ça marche pour le moment. L’ambition reste de bien finir la saison en occupant une position honorable. En fin de saison on se retrouvera avec les dirigeants pour faire le point

Avant l’AS Kigali, vous aviez entraîné l’actuel deuxième du championnat, Rayon Sport, lors de la saison 2020-2021, puis Gasogi United au cours de l’exercice 2021-2022. Vous en êtes donc à entraîner la troisième formation de ce pays. Au vu de ces expériences, quel est votre point de vue sur le football rwandais en général ?

Il y a des progrès et c’est visible, et on salue le fait que l’on soit passé de 3 étrangers à 6 par clubs. Ça permet d’avoir plus de compétitivité et un championnat plus attrayant.

Parlons également de votre pays, la RD Congo, où vous avez été manager des sélections U20 et U21 et sélectionneur adjoint des sélections U23 et de la sélection A. Racontez-nous un peu votre parcours avec ces sélections de votre pays.

C’est un honneur et une grâce de servir son pays. Je suis passé par les U17, U20, U23, A’ et A comme adjoint, et aujourd’hui j’occupe les fonctions de sélectionneur principal des U20/U21. On se bat pour continuer de préparer la nouvelle génération qui servira très bientôt en sélection A.

La RD Congo a récemment fini à la quatrième place à la CAN 2023. Quelle appréciation faites-vous du parcours des Léopards ?

Un parcours honorable et en passant bravo au staff et aux joueurs car ils nous ont rendu fiers. Ça faisait longtemps, et du coup cette performance doit servir dans toutes les autres catégories afin de relancer la machine.

Guy Bukasa est aussi sélectionneur principal des U20/U21 de la RDC

Pour vous, quels sont les principaux défis auxquels est confronté le football congolais et qu’est-ce qui manque à la RD Congo pour décrocher à nouveau la Coupe d’Afrique des Nations après 1974 ?

La victoire finale lors d’une CAN est une combinaison de plusieurs facteurs tant humains, matériels que financiers, il nous faut mettre en place une stratégie qui conjuguera de façon efficiente les différents atouts dont nous disposons, le tout soutenu par une vision cohérente du développement de notre football. En 1968 et 1974, les réalités étaient bien différentes, nous devons ajuster notre conception du jeu et de l’enjeu afin de nous imposer. Les progrès observés sur le terrain doivent être soutenue par une véritable vision nationale.

Parlons un peu de vos méthodes en tant qu’entraîneur. Comment décririez-vous votre style d’entraînement ? Quels sont Comment décririez-vous votre style d’entraînement ? Quels sont les principes et les valeurs qui guident votre approche sur le terrain ?

L’efficacité résume mon approche du football aujourd’hui. Au début, je me plaisais de voir mon équipe sur de longues séquences de possession mais ça ne garantissait pas la victoire. Et en grandissant j’axe désormais ma méthodologie sur des contenus d’entrainement très proche des situations réelles survenant en match et surtout la responsabilisation des joueurs. Je me bats pour faire comprendre aux joueurs que je ne suis là que pour indiquer le chemin et que c’est à eux de marcher. Je suis constamment en recherche pour améliorer mon jeu et j’espère enchainer de bonnes performances pour enfin définir une méthode propre.

Mourinho, Klopp, Guardiola…Y a-t-il des modèles ou des mentors qui ont influencé votre approche en tant qu’entraîneur ?

Marcello Lippi est celui qui m’a inspiré parce que je trouvais en 2003 avec la Juventus et en 2006 avec la sélection italienne qu’il avait de l’avance dans son approche et certains font aujourd’hui ce que faisait déjà Lippi il y a 20 ans. Il y a aussi Carlo Ancelotti que j’apprécie beaucoup. Après, toutes ces personnes, je ne les ai pas côtoyés. Mais des personnes que j’ai rencontrées, je pense que Florent Ibenge m’inspire beaucoup parce que dans des conditions peu optimales, il arrive à faire briller ses équipes.

Qu’espérez-vous accomplir à court terme et à long terme dans votre carrière ?

Je pense vraiment qu’il est temps de commencer à penser à des trophées majeures.

Un mot pour conclure ?

Grand merci pour ces mots d’échange et beaucoup de courage aux collègues entraineurs africains dont les efforts ne sont toujours pas reconnus à juste titre.

 

 

 

 

 


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