Comores : « On rêve d’une qualification à la Coupe du monde 2026 », Saïd Ali Athouman (Président de la Fédération)



Dans un entretien exclusif avec Africa Top Sports, le président de la Fédération comorienne de football, Saïd Ali Athouman, révèle les ambitions des Cœlacanthes, qui ont impressionné l’Afrique avec deux victoires contre le Centrafrique et le Ghana l’année dernière lors des éliminatoires de la Coupe du monde 2026. « On rêve d’une qualification, même si… »

ATS : Monsieur le président de la Fédération comorienne de football, c’est avec plaisir que nous vous accueillons sur notre plateforme pour discuter du développement du sport aux Comores. Votre équipe nationale des Comores était absente à la dernière édition de la CAN en Côte d’Ivoire (CAN 2023). Comment envisagez-vous votre retour dans cette compétition en 2025 ?

D’abord, merci de m’accueillir sur votre plate-forme, en me donnant ainsi l’occasion de m’exprimer sur le football comorien. C’est vrai que nous avons été absents de la CAN en Côte d’Ivoire. Entre-temps, nous avons changé d’entraîneur et aussi certains membres du staff. On est en quelque sorte aussi dans une phase de transition, parce qu’il y a certains joueurs qui étaient là depuis plusieurs années, dont certains ont disputé la CAN au Cameroun (2022) qui ne sont plus là. Certains d’entre eux-mêmes étaient présents lors des éliminatoires pour la (CAN) Côte d’Ivoire, mais ne seront plus là.

Certes, il y a encore des cadres qui sont là, mais avec l’arrivée du coach Stefano Cusin, je pense que certains jeunes joueurs professionnels ont commencé à intégrer l’équipe. On espère que d’ici aux prochaines échéances du mois de juin, parce que c’est au mois de juin que nous aurons des matchs officiels, certains d’entre eux intégreront la sélection pour venir la renforcer.

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C’est vrai que notre objectif principal, c’est bien sûr la Coupe du monde à travers les éliminatoires. Tous les jours, on est à fond avec le coach, le staff et les joueurs sont très motivés, parce que c’est un gros challenge pour nous. On a bien débuté, mais on connaît les favoris, notamment le Mali, le Ghana et même Madagascar, avec aussi la Centrafrique. Ce sont des équipes qui étaient mieux classées que nous, même si je crois que nous sommes passés devant le Centrafrique. Ça va être très difficile, très difficile. Puisque, c’est le premier qui sera qualifié au Mondial 2026 directement.

Nous allons jouer tous les matchs qui viennent. On les prendra pas à pas. On jouera les matchs du mois de juin qui nous permettront aussi quelque part de nous préparer pour les éliminatoires de la CAN qui va débuter au mois de septembre. Dans l’immédiat, nous allons jouer des matchs amicaux contre l’Ouganda et l’Angola. Donc, c’est pour moi, et je pense même pour le coach, une préparation idéale avant d’affronter Madagascar et le Tchad (en juin 2024) lors des éliminatoires de la Coupe du monde, mais aussi celles de la CAN 2025.

Parce que ce sont d’ailleurs des équipes qui sont de même classe que nous. Cette année, on aura pas moins de dix matchs. Ce sera six matchs au moins, entre septembre et novembre. Ce ne sera pas facile, mais on se prépare à affronter toutes ces grandes équipes africaines.

ATS : Justement, vous évoquiez l’organisation d’un stage au Maroc qui sera marqué par deux matchs amicaux contre l’Ouganda et l’Angola. Quels objectifs visez-vous à travers ces prochains défis pour les Cœlacanthes ?

Ce sont deux matchs qui vont nous permettre de mieux préparer l’équipe pour les échéances à venir. Que ce soit pour les éliminatoires de la Coupe du monde contre Madagascar ou le Tchad et ensuite celles de la CAN au mois de septembre. Tout le monde est focalisé sur l’échéance sur cette année 2025.

On aura pas moins de 10 matchs, parce que là à Marrakech, on a des matchs amicaux en juin et d’autres en septembre. On se prépare à affronter des matchs qui nous permettront de nous préparer, d’être dans de très bonnes conditions. Tout ce qu’il faut pour aller au Maroc, pour jouer au football.

Cela permettra par exemple à l’entraîneur, comme ce sont des matchs amicaux, de mettre en place de jeunes, de donner du temps de jeu certainement à un certain jeunes joueurs qui n’en ont peut-être pas eu quand nous avons joué contre le Centrafrique et le Ghana. Je pense que c’est important, parce que ça permettra à l’entraîneur de faire un peu le point après les trois rencontres qu’il a vécues. Parce qu’il est arrivé, il n’y a pas longtemps, donc on a joué un match contre le Cap-Vert en France. Ensuite, nous avons joué les éliminatoires de la Coupe du monde contre le Centrafrique et le Ghana.

On a encore besoin de jouer certainement quelques matchs en plus pour voir un peu tous les joueurs, afin de faire le point sur leur niveau avant de reprendre les grandes compétitions comme les éliminatoires de la Coupe du monde et de la CAN. C’est bien que nous ayons cette opportunité de jouer ces deux matchs, surtout contre des équipes qui sont mieux classées que nous. Ce sont de bonnes équipes qui ont plus d’expérience que nous en avons. La performance de l’Angola qui est à saluer après ce qu’ils ont fait à la CAN en Côte d’Ivoire. Donc, je pense qu’il est bien de se frotter à plus fort que soi. Parce que, ça permettra certainement à notre équipe de progresser.

ATS : Les joueurs sont-ils conscients de l’objectif que vous vous êtes fixés ? Avez-vous discuté avec eux à ce sujet ? Quelle est leur réaction ?

C’est essentiellement le coach qui échange beaucoup plus avec les joueurs qui sont conscients et motivés. C’est la première fois que nous jouons des matchs de groupe au niveau de la Coupe du monde avec ce nouveau format des éliminatoires de la Coupe du monde et donc c’est normal qu’ils soient motivés. Parce qu’ils ont le loisir, le privilège de jouer justement contre de grandes équipes du continent africain et ils sont motivés pour ces éliminatoires. De toute façon, tous les matchs que nous allons jouer, c’est pour les gagner, même dans le cadre des éliminatoires pour la Coupe du monde, même si ce n’est pas notre principal objectif.

On a des joueurs qui sont non seulement motivés, mais qui sont des compétiteurs, et il y a aussi de nouveaux joueurs qui sont venus nous rejoindre. C’est du sang neuf, surtout. Ils se sont immédiatement très bien intégrés, ce qui est très très important. Parce que, par exemple, quand on regarde les attaquants comme Rafik Saïd et Myziane Maolida qui évoluait au Hertha Berlin, mais qui est parti en Écosse à Hibernian. Ils étaient tous les deux contre la Centrafrique et ont marqué. Ce n’est pas seulement le fait qu’ils ont marqué, mais ils se sont bien intégrés. On avait l’impression qu’ils jouaient dans cette équipe-là depuis longtemps alors que c’était leur premier match. Donc, je pense que c’est encourageant.

ATS : En ce qui concerne les activités au sein de la Fédération, quels sont les projets en cours ou à venir liés à la formation des entraîneurs et au niveau du championnat ?

C’est vrai que le principal objectif de la Fédération ce sont les compétitions et l’organisation des différents championnats, même du football amateur et celui des petits. Depuis plusieurs années, cela s’organise de façon régulière. On arrive à aller jusqu’au bout de nos compétitions à chaque année. Que ce soit au niveau championnat senior, des filles, des jeunes. Mais, le problème, c’est en termes d’infrastructures de qualité. Comme c’est un championnat, comme je disais amateur, c’est difficile de rivaliser avec d’autres nations, notamment quand nous participons à la Ligue des champions de la CAF ou à la Coupe de la confédération par exemple, ou même à des compétitions régionales.

Pour développer le football et relever le niveau de notre championnat et des joueurs, il faut plusieurs choses à la fois. Notamment, améliorer les infrastructures, ce qui demande des moyens. C’est très très important de former les cadres techniques, particulièrement les entraîneurs, parce qu’il faut reconnaître qu’à ce niveau-là, nous avons des soucis.

Cependant, nous avons signé une convention avec la CAF pour pouvoir mettre en place différentes formations et valider les diplômes notamment pour la Licence B, la Licence A. Nous avons une feuille de route pour que d’ici, on va dire tois – quatre ans, nous puissions avoir des entraîneurs qui ont la Licence de la CAF. Il y a des comoriens qui ont La licence, mais ce n’est pas de la CAF.

Donc, on a une feuille de route, des échéances à respecter pour que nous puissions former des cadres techniques diplômés et surtout compétents. C’est quelque chose qui va nous aider parce que dans le cadre de la formation le projet phare, c’est une Académie qui va se mettre en place avec l’appui de la FIFA et de la Fédération pour pouvoir accueillir les jeunes des différentes îles et les former avec l’appui d’experts et de techniciens de renommés. Raison pour laquelle nous avons été admis au programme TDS (Programme de développement de la FIFA), qui va nous permettre d’être accompagné par des cadres techniques de haut niveau et de détecter les talents que nous avons dans le Comores au niveau des trois îles.

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Je pense que c’est un programme important parce qu’à partir du moment où les talents sont détectés, sont encadrés, sont suivis, je pense que ça donnera, des résultats. En dehors de nos partenaires, nous travaillons avec le coach Stefano Cusin, qui s’intéresse beaucoup et qui s’investit dans le développement du football local. Cela ne fait pas longtemps qu’il a été nommé au poste de coach de la sélection nationale de Cœlacanthes, mais il est déjà venu aux Comores des fois, pour faire de la détection, notamment au niveau de l’équipe nationale, mais surtout pour former. Avec le préparateur physique de l’équipe nationale, ils sont aussi venus former les cadres techniques locaux, ce qui permettra aux joueurs locaux de progresser, de travailler avec des gens qui sont bien formés et qui ont les compétences.

Donc, en ce qui concerne la formation, c’est un sujet très important pour nous et on s’attèle à faire en sorte que tous les acteurs du football comorien soient formés, même les arbitres. Parce que les arbitres, c’est pareil. C’est important d’avoir de bons arbitres pour éviter les problèmes, pour lutter notamment contre la violence, parce que ce sont des problèmes auxquels il nous arrive d’être confronté. À partir du moment où vous avez des arbitres de très bon niveau, je pense que ça aide beaucoup à faire progresser le football, à organiser vos compétitions dans la sérénité. Nous avons plusieurs arbitres internationaux, mais nous aimerions bien sûr en avoir davantage.

ATS : Stefano Cusin, l’entraîneur italien, a joué un rôle majeur dans les deux victoires contre la République centrafricaine et le Ghana. Est-ce qu’il répond à vos attentes ?

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On est très très satisfait parce qu’il est arrivé dans des conditions très difficiles, notamment quand nous avons joué le match amical en septembre (2023) contre le Cap-Vert en France. Avant de jouer ce match, il manquait en fait tous les joueurs. Dix-huit joueurs n’ont pratiquement pas répondu à leur convocation.

Ils ne sont pas venus, donc dans quelque six jours, il a dû former une équipe et travailler exclusivement avec des joueurs U23 et U20. Donc c’est quelque chose de très difficile et tout le monde s’attendait à ce que l’on prenne une valise comme on dit ou qu’on prenne beaucoup de buts. Tout le monde nous donnait perdant. On a quand même pu gagner et surtout, il a pu construire en quelques jours une équipe qui a déployé du beau jeu.

Par la suite, il a enchaîné avec deux victoires surtout contre le Ghana et le Centrafrique. Il a su les fédérer, parce qu’il a pu s’appuyer sur des cadres et sur des jeunes qui ont nouvellement intégré l’équipe. Je pense qu’il a un discours qui fait du bien à son staff et à ses joueurs. Parce que c’est aussi un très bon communicant et je suis convaincu qu’il va être capable d’intégrer de nouveaux joueurs dans les prochaines nouvelles échéances, notamment au mois de juin quand on aura les matchs.

On lui souhaite de continuer sur cette lancée, car c’est quelqu’un de très motivé. En dehors de sa tâche de sélectionneur de l’équipe nationale, il s’intéresse aussi au développement du football local. C’est quelqu’un qui sera disponible pour le développement du football comorien et il a joué un rôle majeur dans ces deux matchs.

On a déployé du beau jeu, on a marqué plusieurs buts contre le Centrafrique. En tout cas, je souhaite qu’il réussisse à la tête de notre sélection nationale. Qu’on atteigne les objectifs qu’on s’est fixés, notamment la qualification à la CAN 2025.

ATS : En tant que vice-président du COSAFA (Le Conseil des Associations de Football en Afrique Australe), dont la dernière compétition masculine n’a pas été favorable aux Comores, quelle est l’importance des compétitions sous-régionales pour les équipes de cette région ?

Ce sont des compétitions importantes parce que quand on participe à ces compétitions comme certains autres pays, nous faisons jouer dans la catégorie des seniors uniquement des joueurs locaux. Donc ça leur donne l’occasion de jouer contre de grandes équipes de la région comme l’Afrique du Sud, la Zambie ou encore l’Angola. Cela leur permet de progresser.

Plus important pour nous en termes de dépenses, les déplacements que nous faisons dans ces compétitions ne sont heureusement que dans la région. Cela nous permet au moins de pouvoir répondre aux critères de la FIFA. Parce que pour bénéficier pleinement de la subvention de la FIFA dans chaque catégorie (homme, femme, senior et les jeunes), il faut jouer au moins quatre matchs internationaux.

Et, nous, en tant que pays insulaire, on ne peut pas régulièrement traverser des frontières pour aller jouer. On ne peut pas se permettre de faire plusieurs déplacements pour jouer quatre matchs internationaux dans chaque catégorie. Donc, les compétitions du COSAFA permettent de remplir ces critères de la FIFA. C’est important parce que ça permet à nos équipes, à nos jeunes notamment et même aux seniors d’acquérir un peu plus d’expérience en jouant avec les joueurs des différents pays de la région.

ATS : La CAN 2027 se tiendra en Afrique australe, organisée par le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda. Quelles opportunités cela représente-t-il pour la zone du COSAFA ?

Tout d’abord, je félicite ces trois pays de la zone COSAFA qui vont organiser la CAN 2027. Cela peut peut-être inspirer certains pays pour se mettre ensemble et organiser aussi une CAN. Pourquoi pas ? Et puis, ce sont deux régions proches les unes des autres d’ailleurs.

Nous, les Comores, on est à la fois, quand on regarde bien sur le plan géographique, de l’Afrique de l’Est et en même temps de l’Afrique Australe. Cela permettra aux pays du COSAFA, qui se qualifieront éventuellement, de pouvoir drainer, je pense, pas mal de supporters en Tanzanie, en Ouganda et au Kenya. C’est quelque part très motivant pour les pays de la région de savoir que cette CAN est organisée dans une région voisine de la zone du COSAFA. D’ailleurs, nous avons de très bonnes relations en fait avec le COSAFA, avec lequel nous travaillons sur plusieurs sujets.

ATS : Si vous deviez faire un vœu pour le football comorien avant les éliminatoires de la CAN 2025, lequel serait-il ?

Il faut toujours rêver et on rêve d’une qualification à la Coupe du monde, même si je vais dire que ça sera difficile. Parce qu’il y a de grandes équipes qui sont favorites et surtout qui ont beaucoup plus d’expériences que nous. Dans la vie, il faut toujours rêver et croire en ses capacités. Ce n’est pas qu’un vœu, mais aussi, bien sûr, c’est de se focaliser pour l’atteindre en 2025.

Sur le plan international, le football qu’on a avec sa visibilité, on aimerait en avoir davantage. On est un petit pays de part notre superficie, de part notre économie aussi et donc je pense que le football nous aiderait à agrandir cette façon de faire connaître le pays. Mais, si on veut être le plus réaliste, c’est peut-être décrocher une qualification à la CAN 2025.

ATS : Avant de conclure cet entretien, y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter et qui n’a pas été abordé dans cet entretien ?

Malgré les difficultés financières du gouvernement comorien, beaucoup d’efforts sont faits pour nous soutenir, surtout au niveau de l’équipe nationale A. Cela donne une bonne image du pays, donc une bonne visibilité et surtout un facteur d’unité, puisque nous sommes un État insulaire. C’est important que, lorsque les Comores jouent, que tout le monde soit là, ceux des autres îles et de la diaspora. Parce qu’on a une forte diaspora, surtout en France. On espère vraiment que le gouvernement va continuer à nous accompagner.


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