[Itw exclu] Tennis: Patrice Hagelauer « Les Africains peuvent être parmi les tout premiers »

L'équipe de la rédaction d'Africa Top Sports




C’était lui le grand invité de la 2ème édition du BGFI Noah Tour. Patrice Hagelauer est venu représenter à Douala Yannick Noah, le parrain du tournoi qui, au moment de la compétition, conduisait l’équipe de France de tennis en finale de la Coupe Davis. Hagelauer c’est un technicien chevronné du tennis. Celui-là même qui coachait Noah lorsqu’il gagna les internationaux  de Roland-Garros en 1983. Il est venu et est reparti satisfait, content d’avoir vu des talents africains prometteurs. Des talents pour lesquels le Français formule un plaidoyer. Voici l’interview qu’il nous a accordée au terme de la finale disputée le 25 novembre dernier.      

 

Vous avez assisté  à cette deuxième édition du tournoi BGFI Noah Tour. Du point de vue technique qu’avez-vous ressenti en regardant les matches ?

Ecoutez j’ai adoré la finale. J’ai trouvé qu’il y avait tout ce que le tennis peut représenter de beau,  de qualité et de valeur. On a eu un tennis qui était un tennis de combattants. On avait des guerriers qui sont allés à la limite, qui se sont vraiment bagarrés mais du début jusqu’ à la fin. Il y a eu des retournements de situation en permanence. On ne savait pas si on allait avoir un troisième set. C’est ce qui fait  la beauté du tennis. Il y avait deux joueurs très valeureux. Il y a eu des points d’un niveau extraordinaire, des passings, des volées, des volées-plongées… Des choses vraiment qu’on voit au plus haut niveau sur le circuit. Ce sont deux joueurs valeureux. Je crois qu’on peut être fiers quand on est coach de joueurs comme ça. Certes il y en a toujours un qui gagne, il y en a  un qui perd, mais je veux dire que ce qui est important c’est de se bagarrer comme ça. C’est ça qui est l’exemple pour les enfants qui font du tennis, qui étaient là, qui voient ça ! C’est le meilleur exemple que l’on peut avoir de voir ce genre de match. Se dire : «  ça paraît facile, mais c’est dur ». Et moi ça me rappelle toujours ce que j’ai raconté aux coaches parce qu’on a eu des réunions avec les coaches ici. Je leur ai dit que quand j’ai démarré avec Yannick quand il avait 17 ans, le père de Yannick, Zacharie Noah, qui est pour moi le meilleur des parents est venu me voir et m‘a dit : « Patrick je te fais confiance à 100 %, mais je te demande une chose : fais le bosser, bosser, mais dur,  dur, dur ». Ca c’est toujours resté dans ma tête et c’est dans la tête de Yannick. Et quand je vois l’exemple de Yannick quand il parle à son fils Joakim dans le basket-ball, je me dis : « quelle chance d’avoir eu un père comme ça ! » Yannick et maintenant Joakim, vraiment ça a été une transmission des valeurs du sport exceptionnelles. Ce n’est pas étonnant parce que du football au tennis et du tennis au basket. C’est vraiment fantastique et quand je vois ce genre de match, je me dis : « vraiment que ça serve aussi à ces combattants-là et que ces enfants-là, si on veut demain avoir des champions ici au Cameroun, eh bien il faut regarder ce genre de match, il faut multiplier ce genre de matches ».

Comment appréciez-vous l’idée d’un pareil tournoi ?

BGFI Noah Tour est formidable ! Quand je parle avec Yannick de ce qu’il fait de cette initiative, il me dit qu’il veut encore la développer. Il faut maintenant des soutiens. Il y a des sponsors qui sont très bons derrière-là, qui vraiment aident Yannick à développer le tennis au Cameroun. Il faut encore plus de moyens car il y a encore un besoin d’installation, il y a un besoin d’aider ces enfants quand ils arrivent après à 13-14 ans, pour aller plus loin. Le seul moyen d’y arriver à partir de 14-15 ans, c’est  faire 20-25 tournois dans l’année. Mais ici ils ne vont pas pouvoir faire 20-25 tournois. Ils vont peut-être pouvoir en faire  7, 8. Il va falloir partir à l’étranger. Ça, vraiment pour les parents, c’est extrêmement couteux s’il n’y a pas derrière des soutiens, que ce soit au niveau de la fédération, des sponsors, du gouvernement. Mais il faut qu’il y ait vraiment des aides. Parce que, quand je vois les qualités athlétiques des Africains je le dis : mais c’est impossible qu’on ne trouve pas des Africains, non pas dans les 500, 300, 100, dans les tout premiers ! Il peut y en avoir ! Il y a le foot mais le foot ne doit pas tout phagocyter ne doit pas tout  tuer derrière. Derrière il y a des gens qui ne sont peut-être pas doués au foot mais qui sont doués au tennis. Ils peuvent être doués au basket-ball mais pas doués dans d’autres sports. Mais si tous les moyens sont pris par le football,  il y a un peu de place aux autres sports et aux personnes qui n’ont pas la chance d’avoir le talent qu’il faut avoir dans les pieds mais qui l’ont peut-être dans les mains. Il faut des moyens pour sortir ces enfants qui ont la passion quand on les voit s’entraîner. Ils ont envie de réussir, ils ont envie d’arriver.

Patrice Hagelauer en session de formation

Pour vous il faut beaucoup d’autres tournois comme le BGFI Noah tour au Cameroun…

Voilà ! Il faut en avoir et après il faut passer le cap au-dessus. C’est-à-dire qu’il faut avoir des tournois futurs après.  Parce que quand les jeunes arrivent à 17-18 ans, ils ont le niveau pour aller sur les tournois futures et c’est là qu’on marque les premiers points pour être admis après dans les autres tournois futures. Mon avis c’est que d’ici 2 ou 3 ans, il faut qu’il y ait des installations qui soient au niveau de ces tournois futures.

En dehors de la finale y a-t-il d’autres choses qui vous ont captivé et sur lesquelles vous pourriez émettre un avis ?

Je ne me permets jamais de parler de coaching comme ça publiquement. Le coaching c’est un rapport de joueur  à entraîneur. Sur un match de tennis on voit certaines choses. Il faut que je voie une dizaine de matches pour que ce soit vraiment percutant. Il ne faut pas penser que parce que j’ai fait la carrière que j’ai pu faire, je regarde et puis je dis : « il faut faire ci ou ça ».  Ce serait complètement stupide de ma part. J’ai vu de très bonnes choses, j’en ai vu de mauvaises, j’en ai vu de très bonnes, mais il y a du boulot à faire encore derrière pour passer le cap au-dessus. Mais il y a cette volonté-là   chez ceux qui ont disputé la finale. Espérons qu’on puisse les voir encore longtemps et qu’il y ait de plus en plus de tournois de niveau encore supérieur.

Une question assez personnelle maintenant : qu’est-ce que cela vous a fait de venir vivre ce tournoi ici chez votre ancien poulain ?

La dernière fois que je suis venu ici c’était pour le premier mariage de Yannick. J’étais son témoin. Donc je n’ai pas arrêté d’y penser. Je ne veux pas y penser. J’ai déjà des cheveux blancs (rires). Mais j’ai ce souvenir qui est très présent dans ma tête. C’est l’un de mes plus beaux  souvenirs.  C’était dans l’église à Etoudi, avec  les musiciens.  C’était fabuleux ! Mon arrivée ici est une initiative de Yannick qui est aidé par un groupe de sponsors. Il m’a demandé parce qu’il est en pleine Coupe Davis en ce moment, d’y aller à sa place. J’ai sauté dans un avion et j’ai débarqué. J’ai vu des coaches, j’ai vu tout le monde. Ça me fait plaisir aussi car j’arrive à un moment de ma vie où j’ai le plaisir de transmettre aux autres. J’ai des coaches qui m’écoutent et là j’avais une attention incroyable. J’ai reçu mille questions et moi c’est ce qui me fait plaisir.

Propos recueillis par  Pierre Arnaud Ntchapda     

 


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